mardi 28 juillet 2009

Le parc du Troisième Millénaire, refuge des Colombiens déplacés par la guerre

BOGOTA
Marie Delcas, Le Monde


Luis M. regarde ses mains noueuses, qui ont travaillé la terre pendant plus de quarante ans. "Je n'étais pas fait pour mendier", soupire-t-il. En 2007, il a quitté sa terre natale, dans l'ouest de la Colombie, menacé de mort par les milices paramilitaires. Depuis quatre mois, il campe avec sa femme et ses quatre enfants dans le centre de Bogota.

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Sa voisine Mariela était institutrice à Granada, dans le département du Meta, à l'autre bout du pays. Elle s'est amourachée d'un policier - qui l'a rapidement laissé tomber. Les guérilleros, eux, ne l'ont pas lâchée. "J'étais devenue une ennemie du peuple. Ils m'ont donné une heure pour quitter la ville", explique-t-elle. Mariela a passé sa première nuit à Bogota dans un self-service, avant d'être accueillie par de lointaines cousines, "pauvres mais généreuses". Elle s'étonne que "le gouvernement du (président) Alvaro Uribe trouve de l'argent pour faire la guerre, mais pas pour s'occuper des victimes".

Inauguré en 2005, le Parc du troisième millénaire avait été conçu comme l'épicentre d'un grand projet de rénovation urbaine au coeur de la capitale. Plus de 2 000 déplacés s'y entassent aujourd'hui, sous des bâches, des assemblages de planches et de cartons. "Nous sommes là pour protester contre la négligence du gouvernement qui nous a abandonnés à notre sort, affirme Janer Rodriguez, un des leaders du mouvement. Nous ne partirons pas avant d'avoir obtenu pour chacun d'entre nous un logement digne et un emploi."

Certaines familles ont apporté leurs matelas, d'autres dorment à même le sol. Riz et patates cuisent sur des feux de bois. Devant le point d'eau du parc, les gens font la queue pour se laver. "Nous recevons un peu d'aide des syndicats, des associations et des églises évangéliques", dit Janer. Depuis une semaine, le camp est entouré de barrières, surveillé par un cordon de policiers portant des masques. Un cas de grippe A (H1N1) aurait été détecté. "C'est faux, affirme Janer. Les autorités ont monté le coup pour nous prendre nos enfants. Hier encore, le département sanitaire de la mairie est venu chercher les femmes enceintes pour les loger dans un centre, mais elles ont refusé. Si nous laissons le mouvement se diviser, nous sommes foutus."

La gestion de la crise a tourné à l'affrontement entre la mairie de Bogota (gauche) et le gouvernement (droite). Selon les chiffres officiels, 50 familles déplacées arrivent chaque jour à Bogota, principal pôle d'attraction pour les victimes du conflit armé qui sévit depuis quarante ans dans les campagnes. "Les moyens de la mairie sont limités. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités", dit Samuel Moreno, le maire de Bogota.

Chargée du dossier au sein du département national d'Action sociale, Emilia Casas juge "complètement irréalistes" les revendications de Janer et de ses camarades. "Des milliers de déplacés attendent un logement. Nous ne pouvons privilégier les protestataires. Ce serait injuste pour ceux qui respectent les formalités", explique-t-elle. Les déplacés du parc ont refusé les offres d'emplois proposées par la mairie.

"Les leaders du mouvement exigent 14 millions de pesos par foyer (5 000 euros) pour monter un projet productif, et refusent toute aide ou solution alternative", affirme Emilia Casas. Elle espère que la médiation du bureau local du haut-commissaire pour les réfugiés de l'ONU (UNHCR) - engagée vendredi 24 juillet - va permettre de débloquer la situation.

"Le drame du parc du Troisième Millénaire n'est que la pointe de l'iceberg", rappelle un fonctionnaire onusien. Il juge que le gouvernement colombien a laissé se développer "une situation explosive". Selon un récent rapport d'Amnesty International, la Colombie occupe le deuxième rang mondial en matière de déplacement de population, derrière le Soudan. De 3 millions à 4 millions de citoyens ont été forcés d'abandonner leur domicile depuis 1997, sous la pression des groupes armés - guérillas et paramilitaires - et de l'armée. Pour 2008, les chiffres officiels font état de 380 000 déplacements. La Cour constitutionnelle vient encore de dénoncer l'incurie du gouvernement sur ce dossier.

Marcelo Pollack, directeur du programme Amérique d'Amnesty, juge pour sa part que "la difficile situation humanitaire est un démenti au gouvernement colombien qui affirme que le conflit est fini".

vendredi 24 juillet 2009

La Misère du Monde, ou l'Histoire vue d'en bas



Ce que j’aimerais raconter, pour de vrai, les jours ou j’ai pas sommeil et ou j’en ai marre des pitreries, c’est l'Histoire vue d'en bas.

Ce que j’aimerais raconter, c’est ce qui vient d’en bas, non idéalisé, non mortifié, non fétichisé dans le misérabilisme statique ou la complaisance démagogique (dont la gauche française est, il faut le reconnaitre, fort experte; presqu'autant que les droites...), mais juste, raconter, avec suffisamment de rigueur, et surtout, avec réalisme et poésie,
et, tendresse compréhensive,
sur ce qui vient d'en bas,
la Populasse, le petit peuple, la masse roturière,
les vrais gens, les majorités silencieuses,
tous ces poncifs,
ESO,

ce souffle dévastateur qui vient régulièrement se rappeler au bon souvenir de dirigeants devenus autistes, déconnectés ; cette lame de fond qui vient pour tout chambouler, pour renverser l’ordre ancien, souvent sans même en être bien consciente. Remettre les pendules à une autre heure.

Parler par-dessus la tête de la société, c’est ce que font les « nanalystes », constellation hétéroclite qui englobe la plupart des blogueurs dits « ninfluents », des éditorialistes sur-côtés, priapiques, s’étalant dans les colonnes de grands quotidiens du soir, économistes déférents de tribune, sociologues tautologiques des pages rebonds, matamores mous des pages Opinions.

Par-dessus sa tête, au peuple, supra gente ; voire par-dessus la jambe, pour les plumes les moins talentueuses, qui plus est.

J’aimerais raconter mes petites expériences, mes métiers, d’en bas. Mais je ne m’y prends pas bien. C'est plus facile à les vivre.
Encore que des fois, pas vraiment, mais c'est encore une autre histoire.

Ce qui me botte particulièrement, à vrai dire (comment ça "botter" est un verbe qui ne s'utilise plus depuis la sortie du dernier méga mix de Jeanne Mas?), c’est de lire ceux qui parviennent à ne pas prendre le point de vue des vainqueurs de l'Histoire mais, de par leur métier ou leur position, sont notoirement du côté des perdants, de ceux qui sont en marge, des exclus de la société.

Bourdieu, avec La Misère du monde, a secoué ma petite vie, en ce temps là, en ce sens là.

Bourdieu et ses collaborateurs sont parvenus à mettre leur individualité en retrait et à miser tout sur la compréhension, sans prétention de tout savoir mieux : une vue des conditions sociales et de l'état de la société française qui peut très bien être transposée sur d'autres pays. J'y pense, souvent, quand je traine dans les rues de cette querida America latina...

Mais c'est lourd, lourd, 2000 pages, aussi, chiant comme la mort, à lire.
J'aimerais qu'il y ait des gratte papiers, des blogeurs même qui soient des Bourdieu Twitteurs, tout ça, en comestible, mais avec substance.
Rigoureux ET funky.

Histoire de.
Oui, une utopie minable, mais ça me vient comme ça que veux-tu...

Et puis ça nous changerait, accessoirement, des penibles et poussives sorties peu aeriennes de ce genre de tartuffes touristes politiques moisis à la mord moi le chupeton, par là tiens, par exemple...

Putain avec des gauchos de cette trempe là, on est quand même plus dans le monde de la Misère intellectuelle que dans la misère du monde, et encore plus loin de La Misère du Monde...

Ecrire sur la pauvrete, écrire sur les pauvres et les exclus, écrire pour, par, avec, au dessus, a coté, des pauvres, aux cotés, des perdants du dit "Systeme", tout le monde peut s'y atteler; mais c'est pas donné a tout le monde, justement, que "quelque chose" se passe, passe, pour que par le truchement du texte, la magie du sentiment sincere opere; pour etre lu, compris, touché, coulé, par des phrases qui viennent des entrailles, du réel, du coeur, mais surtout, de la merde, de la fange dans laquelle survit les 3/4 de l'humanite, ces mots, qui sonnent juste parce qu'y a des moments ou on ne peut pas, plus tricher...Mon pauvre...

J'essaye encore. Des que j'y parviendrai, promis, j'arrete...




Proxima estacion: ESPERANZA!

dimanche 19 juillet 2009

François Mitterrand et les Sandinistes




Aujourd'hui, à Managua, Nicaragua, on célèbre en grande pompe les 30 ans de la Révolution Sandiniste.

Aujourd'hui, à Ailleuragua, Monde, on célèbre les 30 ans du Walkman cassette.

Qu'y a-t-il de plus obsolète, de plus décalé, de plus déconnecté, de plus lent, à ton avis, entre les radotages évangelisto-impuissants de Daniel Ortega, l'ancien leader guérillero, réélu en 2007 Président, ou la touche rewind du Sony 3000?

Je te laisse juger par toi même.
Je me demandais il a peu que sont-ce devenus, en les rembobinant un peu, les vaillants Révolutionnaires™ Sandinistes™ du "temps jadis"™?

Ça. (BBC)
Des ersatz de présidents, même pas réformistes, qui achètent des tracteurs aux iraniens et des illusions aux bolivariens.
Ils sont devenus ça.

Brigade rose fushia, rompez les rangs.
On va en reprendre pour 20 ans de la Droite Bien Dure™, après les âneries de ces vieilles biques là.

En attendant, je te propose de shuffler sur un document fort intéressant sur cette époque du sandinisme à cassette triomphant, qui recruta tant de jeunes touristes politiques français à l'époque...

Je suis justement en train de me taper un énorme pavé. Les mondes de François Mitterrand- 1981-1995, à l’Elysée, d’Hubert Védrine, qui fut, on l’oublie parfois, l’un de ses plus proches conseillers pour les affaires étrangères.

Passionnant pour qui aime à palper un peu du fracas du monde tel qu’il est, des complexités de la géopolitique Est-Ouest aux rapports de force internationaux plus souterrains de ces années là…

Il y a des passages bien captivants sur la tournée mexicaine de 1982 et a « ligne » latinoaméricaine de la Vème république, tombée en désuétude depuis de Gaulle et reprise, pour un temps bien bref, par les socialistes français fraîchement arrivés au pouvoir.

Notamment, quelques passages sur l’Amérique centrale et les prises de position françaises qui laissèrent, en ce temps là, les américains et leur Président Reagan proprement médusés…

Certains passages n’ont pas perdu une ride…Un abrazo aux Tontons Jean Luc, Patrick et Francis!

""Désaccords avec Washington

"Mais il ne peut y avoir entre deux pays d’entente complète et générale. Deux désaccords, en particulier, vont peser sur nos relations : l’Amérique centrale, le commerce Est/Ouest.

En 1981, cela fait plusieurs années qu’au Salvador une interminable guerre civile met aux prises forces gouvernementales et guérilla ; au Nicaragua, une junte sandiniste d’obédience marxiste s’est installée au pouvoir après le renversement en 1979 du dictateur Somoza. Pour Ronald Reagan, c’est simple : il faut mettre fin par la force à cette « subversion soviéto-cubaine » dans l’arrière cour des Etats-Unis.
Pour nous il s’agit plutôt de révoltes contre des conditions de vie insupportables et qu’une répression aveugle ne peut qu’attiser. Analyse sans doute juste, mais pourquoi nous en mêler ? Parce que la France estime avoir son mot à dire sur toutes les affaires du monde et qu’en 1981, François Mitterrand, comme Ckaude Cheysson, participent de cete conception. Mais aussi parce que Cheysson milite pour une grande politique française appuyée et relayée par un trépied de grands pays influents du « Tiers Monde » : Mexique, Inde, Algérie. Enfin, parce que Régis Debray, qui connaît bien le remarquable ministre mexicain des affaires étrangères, Carlos Castaneda, se cherche lui aussi un rôle en ces premiers mois : et si François Mitterrand le laissait inspirer, avec Claude Cheysson, la grande politique latino-américaine de la France à laquelle De Gaulle avait fait rêver pendant les quelques semaines de sa tournée latino-américaine en 1964 ? Régis Debray s’active dans la fièvre.
Bien que FM ne déteste pas laisser faire « pour voir », les choses n’iraient guère plus loin si le Mexique ne redoutait pas que Washington, avec ses gros rangers, n’embrase la région. Pour une fois, la France l’intéresse. Des contacts franco-mexicains ont donc lieu à propos du Salvador et aboutissent-bien sûr, avec l’accord du Président- à ce que, le 28 août 1981, les deux pays remettent en commun au Président du Conseil de Sécurité de l’ONU une déclaration reconnaissant l’opposition armée salvadorienne- le Front Farabundo Marti de Libération nationale-FMLN, regroupant 5 partis) et le Front démocratique révolutionnaire (5 autres partis) – comme « forces politiques représentatives », et estimant qu’il serait « légitime que la gauche salvadorienne participe à la solution politique de la crise ».
Cette déclaration prend brutalement le contre-pied des a priori reaganiens. Que n’avons-nous pas fait ! les Etats-Unis, éberlués par tant d’audace, sonnent le branle bas de combat contre cette « première intervention d’un Etat européen dans les affaires inter américaines depuis la doctrine Monroe ». Dick Allen, conseiller pour la sécurité nationale, affolé, appelle Attali pour savoir si les Français vont envoyer des troupes !
Dès le 29 août, le Département d’Etat fait dénoncer cette « ingérénce dans les affaires salvadoriennes » ( !) par les gouvernements vénézuélien, colombien et par 9 autres pays latino-américains rameutés en 24 heures pour la circonstance.
Les réactions critiques à la nomination de Régis Debray comme chargé de mission à l’Elysée avaient été, trois mois plus tôt, si outrancières qu’elles nous avaient incités à hausser les épaules plutot qu’à polémiquer. Là, elles se déchainent : « A guerrilero at the palace », titre Newsweek montrant Régis Debray, flanqué sur les marchjes de l’Elysée de deux dangereux friends, Michel Serres et Robert Badinter ! "Debray, che mitterand", ironise en écho le Point, le 1er juin 1982.
Les américains jugent plus intolérable encore la vente par la France au régime sandiniste nicaraguayen de deux vedettes, de trois hélicoptères alouette et d’un lot de camions renault, « révélée » à la mi-janvier 82 par le Washington Post au moment même où Charles hernu arrive à washington. D’où la fureur de Haig et l’annulation de l’audience du Ministre de la Défense chez Reagan. Cete affaire s’envenime tant qu’elle est une des raisons de la visite éclair que FM rend d’urgence à Washington, en Concorde pour montrer la proximité entre les deux capitales, le 21 mars 1982. Il emmène avec lui C Cheysson, J Attali et le général saulnier. Fini de rêver !
Il ne veut pas que quelques sympathiques lobbies nlatinos ou tiers-mondistes mettent en péril le travail méthodique qu’il a accompli depuis 10 mois pour éviter tout ostracisme anglo-saxon. Les livraisons d’armes sont déjà faites ; mais ces armes ont été rendus « non dangereuses » par nos soins pour les soldats américains ; et il n’y en aura pas d’autres…
Certes, FM reste convaincu, ainsi qu’il le dit à Reagan le 12 mars que c’est, comme à l’origine, à Cuba-la politique américaine qui pousse des mouvements nationalistes dans les bras des communistes. Reagan, lui, ne s’embarasse pas de ces considérations de causalité : « Nous ne pouvons pas tolérer la moindre présence marxiste au sud du Rio Grande. Nous avons peur que, de proche en proche, le Mexique ne soit atteint. »
Mais le rapport de forces ne permet pas à le France-pas plus qu’au Mexique, d’aller au-dela de la déclaration de principes.FM recule sur ce point parce qu’il n’est pas essentiel pour lui, parce qu’il a laissé faire Claude Cheysson sans conviction, et qu’il ne veut pas risquer là-dessus ses relations avec Reagan alors qu’il a besoin de tous ses moyens pour lui résister sur d’autres questions plus vitales et qu’avec Pierre Mauroy il est engagé dans une politique économique et sociale audacieuse en France.

vendredi 17 juillet 2009

Réalisme magique en Colombie



Bon. Faisons d'emblee abstraction de l'annonceur. Je te prie.
Oui, "te cuesta", mais tant pis.
Allez, tout doux.

Car voila un petit bijou de film court, qui a entre autres mérites de saisir cette ambiance, ce climat, cette "couleur" tout a fait indescriptible de la vie colombienne au quotidien, et de nous transporter, aériens, vers ces contrees oniriques qui ne pouvaient naitre que sur ces terres folles, locas, loquisimas...Colombia loca, Locombia!

Garcia Marquez a pris son caméscope, ou quoi?

jeudi 16 juillet 2009

La dignité des gens de peu




C'est l'été, tu t'emmerdes à ton job d'été, t'es veilleur de nuit, réceptionniste d'un endroit vide, maitre pédiluve, que sais-je encore...

Vas donc voir LA DIGNIDAD DE LOS NADIES.
La version complète se trouve ici.

C'est un film de Fernando Solanas (Argentine)
Genre : Documentaire - Duree : 2H00 mn

Après Mémoires D’un Saccage, qui démontait les mécanismes ayant conduit l’Argentine à la crise économique de 2001, La Dignité Du Peuple montres les conséquences de la crise sur la population. Le film dépeint par petites touches, à travers tout le pays, le portrait d’hommes et de femmes qui ont su relever la tête et combattre pour retrouver, malgré la faim et la misère, leur dignité. C’est un film sur le pouvoir de la résistance sociale et sur la volonté d’un peuple blessé qui cherche à reconstruire son pays.

Son historias y testimonios conmovedores de la resistencia social en la Argentina frente al desempleo y el hambre producidos por el modelo de la globalización.

Son relatos de solidaridad, pequeñas epopeyas contadas por sus protagonistas, héroes anónimos con propuestas colectivas que vencieron el desamparo, reconstruyendo la esperanza..

lundi 13 juillet 2009

Sous vide








Pour Victor








"En ce qui me concerne, j’enfilais pour la première fois le corset du salariat dans un établissement semi public chargé d’établir les fiches de congés payés des travailleurs du bâtiment. Nous étions une trentaine d’employés à éplucher ainsi des feuilles de paye et des « déclarations de mise en intempéries » établies par les entrepreneurs. Il fallait reporter ces heures chômées sur des documents spécifiques, y inscrire le nom de l’ouvrier, effectuer quelques additions élémentaires et déterminer le montant des sommes à verser. C’était un travail comme il en existe des milliers, sans intérêt, une sorte de chaîne administrative, survivance d’un autre siècle, un emploi simplement misérable qui grignotait votre vie, sorte de petit cancer salarié qui ne vous tuait pas, mais simplement, jour après jour, paralysait les muscles du bonheur. Le plus cocasse, ici, était bien que notre activité consistait à calculer la durée des vacances d’autrui. Je savais n’avoir que quelques mois à endurer dans ce compartiment étanche au monde. La plupart des autres employés y avaient déjà passé le plus clair de leur existence."

Une vie française
Jean Paul Dubois, Toulouse


Et alors, tu finis quand, là bas?
J'veux dire, c'est quand que tu rentres?
Tu vas bien rentrer un jour, hein?
Parce que c'est pas pour de vrai, là, ton métier, en fait...
C'est passager, ta "crise d'ado" un peu prolongée quoi...Ah ah, c'est ça, quand même, au fonds, hein, vrai ou pas vrai? Ah ah...
Hein, dis? L'Amérique latine, c'est quand même super "chaud" non...

Mais reviens donc, on est pas si mal ici...Tu pourras passer les concours administratifs, les IRA et tout, si ça marche pas, le reste, ton projet là...Hein? Et puis en plus, maintenant, on peut bosser plus, le dimanche, pour pareil, rappelles toi quand t'étais agent logistique à Leclerc, hein, c'était pas le top, mais bon c'était pour commencer...
Et puis en Europe on a des plages tropicales sous serre désormais, 25 degrés toute l'année, y a même des bouts de vague artificielles, comme les vrais...

Alors, tu nous rejoins quand?







vendredi 10 juillet 2009

Aristophane de






"Sur le plus grand des fragments, je lus ces phrases ou je reconnus le dialogue du Banquet, dans lequel Aristophane expose sa conception de l’amour :
« Quand donc un homme, qu’il soit porté sur les garçons ou sur les femmes, rencontre celui là même qui est sa moitié, c’est un prodige que les transports de tendresse, de confiance et d’amour dont ils sont saisis ; ils ne voudraient plus se séparer, ne fût-ce qu’un instant. Et voila les gens qui passent toute leur vie ensemble, sans pouvoir d’ailleurs dire ce qu’ils attendent l’un de l’autre ; car il ne semble pas que ce soit uniquement le plaisir des sens qui leur fasse trouver tant de charme dans la compagnie de l’autre. Il est évident que leur âme à tous deux désire autre chose, qu’elle ne peut dire, mais qu’elle devine, et laisse deviner. »

Je me souvenais parfaitement de la suite : Héphaïstos le forgeron apparaissant aux deux mortels « pendant qu’ils sont couchés ensemble », leur proposant de les fondre et de les souder ensemble « de sorte que de deux ils ne fassent plus qu’un, et qu’après leur mort, là-bas, chez Hadès, ils ne soient plus deux, mais un, étant morts d’une commune mort".

Je me souvenais surtout des dernières phrases :
"Et la raison en est que notre ancienne nature était telle que nous formions un tout complet. C’est le désir et la poursuite de ce tout qui s’appelle amour".

C’est ce livre qui avait intoxiqué l’humanité occidentale, puis l’humanité dans son ensemble, qui lui avait inspiré le dégoût de sa condition d’animal rationnel, qui avait introduit en elle un rêve dont elle avait mis plus de deux millénaires à essayer de se défaire, sans jamais à y parvenir totalement.
Le christianisme lui-même, saint Paul lui-même, n’avaient pu que s’incliner devant cette force. « Les deux deviendront une seule chair ; ce mystère est grand, je l’affirme, par rapport au Christ et à l’Eglise ».
Jusque dans les derniers récits de vie humaine, on en retrouve la nostalgie inguérissable."


Houellebecq, La possibilité d'une île

lundi 6 juillet 2009

Quand les putshistes du Honduras parlent du négro Obama



En gros, le négro Obama ne sait pas ou se situe le Honduras...Quelque chose me dit qu'ils vont manger ces rétro-gorillas là...

Merci à D. pour le lien.

samedi 4 juillet 2009

Le bal des hypocrites



Les coups d'Etat finissent toujours par des tas de coups...

Le Coup d'État militaire au Honduras a été unanimement condamné. Dans un style que je qualifierai de néo-old school, le Président Zelaya du Honduras a été viré manu militari, en pyjamas, vers la twilight zone et accessoirement le Costa Rica.
Les répressions semblent prendre de l'ampleur. Cette situation préoccupante de crasse instabilité va sans doute perdurer un bon moment, le nouveau Gorille en place et son salasse supa crew semblant disposés à assumer pleinement leur isolement international...

Ces derniers jours furent aussi l'occasion de prises de position très, très comiques de la part de certains Présidents de la région qui, d'un coup d'un seul, ont revêtu leur costume d'arbitres, de redresseurs de torts et de donneurs de bons points de la démocratie en Amérique latine.

Le bal des hypocrites est ouvert.

Imaginez donc une semaine de discours (et d'actions concrètes visant à renforcer les positions et médiations diplomatiques des organes internationaux et régionaux), exigeant la restitution du Président déchu, Zelaya, en salle de conférence, en salle de presse, à l'ONU, à l'OEA, l'ALBA ou dans leurs palais respectifs, ensemble, séparés, imaginez ces chefs d'Etat vociférant, des jours durant, et tenant à peu près ce langage à la fois légitime, en soi, et hallucinant au regard de ceux qui les portent:

Le Président démocratiquement élu de de Cuba, Raúl Castro, qui nous fait son cours magistral de démocratie tout au long de la semaine. Appelant au respect de la démocratie électorale, de la Charte démocratique de l'OEA, dénonçant le muselage de la presse eu Honduras! La classe, dans un pays sans élections, qui dispose d'un seul journal officiel etc.

Daniel Ortega, l'ex sandiniste évangéliste qui lave plus blanc que blanc, lui qui a violé durant 2 ans sa belle fille de 14 ans (fait avérés, et pas rumeur de gusanos anticocos primaires), place ses discours sur le plan de la morale, nous parle de la lâcheté, de valeurs; à faire chialer un contra. Lui qui vient d'être pris la main dans le sac pour de généreuses fraudes aux élections municipales, nous a gratifié d'un discours sur la démocratie à faire pâlir un Abraham Lincoln.

Zelaya, Président du Honduras (et pas ex président, comme le dit CNN) qui a lui même insulté le système interaméricain des droits de l'homme et l'OEA le mois dernier, invoquant son absence de légitimité, qui désormais en appelle à sa protection et à son assise diplomatique...On se marre.

Hugo Chávez, ensuite, le ponpon.
Chavez qui réclame l'intervention de la CIDH, des casques bleus, de l'OEA, de l'AG de l'ONU, loue leurs positions condamnant le coup et les violations des droits de l'homme. Alors qu'il les insulte en permanence en interne et en tournée internationale.
Le ponpon.
Pour te donner une idée, la présidente du Tribunal Suprême de Justice, clairement à sa botte, a déclaré il y a peu que les décisions de la Cour Inter américaine des droits de l'homme (qui est raisonnablement critique sur certaines dérives du chavisme, qui ont été analysées en bonne et due forme par les magistrats depuis le Costa Rica) n'ont pas de valeur juridique au Venezuela, ni même l'OEA qui "ne sert à rien"!

Alors que pour le Honduras, oui, c'est du bon matos, c'est du légitimo-formidable tout ça. mais pour le Venezuela, naaaaaaan, caca boudin.

Géométrie variable époustouflante. Du double discours à faire pâlir la aussi les néo-cons US de la dernière décennie.

Chavez a insulté il y a quelque temps le Secrétaire général de l'OEA, le socialiste Insulza, de "pendejo"-gros con, imbécile, et son organisation comme totalement inutile.

Chavez refuse toute visite d'observateur de ces organismes, refuse tout visa, tout espace pour toute organisation de droits de l'homme indépendante, a viré le Directeur Amérique de Human rights watch en quelques heures, se fout d'Amnesty International et des Special rapporteurs de l'ONU; Chavez insulte à longueur de temps toutes les organisations internationales quand elles sont moins flatteuses pour les réalités du pays, et les encensent quand elles vont dans le sens de sa propagande, lui qui prêche l'inutilité des ces organismes "impérialistes" quand ils évoquent même constructivement la misère de son pays (FAO, HRW) et qui les encensent et les citent à tour de bras quand ils reconnaissent certaines de ces avancées (Unesco, Cepal).
Bref, Chavez a fait du Chavez.

Chavez fait valoir les électeurs de Zelaya, mais piétinent les électeurs de Ledezma, le maire de Caracas qui n'a plus aucun siège, budget, fonction, après la nomination du jour au lendemain d'un gouverneur local lui quittant toute prérogative.
A prétendu postulé au Nobel de la Paix, et menace d'une intervention militaire.

Chavez qui a de lui même décrété le 4 février, date de SA tentative de coup d'Etat en 1992, comme jour férié, défilés militaires et tout le tintouuin, qui a fait couler le sang, nous parle ces jours ci comme s'il n'avait jamais vu le loup...

On se marre bien, décidément, devant tant de "sinverguenzura" ("sans hontitude"...) de nos camarades Présidents "du XXIème siècle".

Pendant ce temps, Lula reste discret, capitalise et engrange les succès diplomatiques dans la région. Chavez, sans pétrole, ne serait plus rien depuis fort longtemps...

Enfin, dans le fonds, on sent bien qu'ils ont bien raison de réagir fortement, certains moins bien lacés que d'autres à l'évidence pour assoir leur propos, devant ce dangereux retour en arrière de 30 ans, porté par les élèves-gorilles disciplinés de feu l'Ecole militaire des Amériques...

vendredi 3 juillet 2009

Mario Benedetti ne sera pas enterré à Neverland




Mario Benedetti, le plus célèbre écrivain uruguayen contemporain, auteur de plus de 80 recueils de poèmes, romans, nouvelles, essais et pièces de théâtre, est mort dimanche 17 Mai à l'âge de 88 ans à son domicile de Montevideo.
Sa tournée qui devait débuter à Londres est annulée, provoquant stupeur et désarroi parmi ses fans du monde entier. Notamment une danseuse-slammeuse française, figurez-vous, rôla la quelle histoire rendez-vous compte, qui se préparait depuis 6 ans pour vivre son rêve et rimer sur scène aux côtés de la star internationale.
Des fans du monde entier se sont spontanément retrouvés sous Capitol Hill, la Tour Effeil, le Mont fuji et la grotte de Bernadette Soubirou pour déclamer des poèmes-slam en guise d'ultime hommage.
Son père était très vilain méchant.
Il pesait 46 kilos et avait des cheveux en aguave.
Il ne sera pas enterré à Nerverland.

Contraint à l'exil pendant la dictature militaire, de 1973 à 1985 il a trouvé refuge en Argentine, au Pérou, à Cuba et en Espagne. et du coup il a toute sa place dans cette bodega, vu?

Mario, the king of popo!

Qu'arriverait-il ?

Qu'arriverait-il si nous nous réveillons un jour
en réalisant que nous sommes la majorité ?
Qu'arriverait-il si tout à coup une injustice,
une seule, est rejetée par tous,
tous autant que nous sommes, pas quelques-uns,
ni certains, mais tous ?
Qu'arriverait-il si au lieu de rester divisés
nous nous multiplions, nous nous additionnons,
affaiblissant l'ennemi qui veut arrêter notre marche en avant ?

Qu'arriverait-il si nous nous organisons
et si nous affrontons nos oppresseurs sans armes,
silencieux, nombreux,
avec nos millions de regards,
sans vivats, sans applaudissements,
sans sourires, sans tapes sur l'épaule,
sans hymnes partisans,
sans cantiques ?

Qu'arriverait-il si je le fais pour toi, qui es si loin,
et toi pour moi, qui suis si loin,
et nous deux pour les autres, qui sont très loin,
et les autres pour nous, qui sommes si loin ?

Qu'arriverait-il si les cris d'un continent
deviennent les cris de tous les continents ?

Qu'arriverait-il si nous nous prenons en main
au lieu de nous lamenter ?

Qu'arriverait-il si nous brisons les frontières
et que nous avançons et avançons,
et avançons, et avançons encore ?

Qu'arriverait-il si nous brûlons tous les drapeaux
pour n'en garder qu'un seul, le nôtre,
celui de tous, ou mieux, parce que nous n'en avons nul besoin,
aucun drapeau ?

Qu'arriverait-il si nous cessons brusquement d'être des patriotes
pour devenir des humains ?

Je ne sais pas. Je me le demande.
Qu'arriverait-il ?


Mario Benedetti

Traduction proposée par Lieucommun (texte modifié le 18 mars).


Texte original ci-dessous :

¿Qué pasaría?

¿Qué pasaría si un día despertamos
dándonos cuenta de que somos mayoría?
¿Qué pasaría si de pronto una injusticia,
sólo una, es repudiada por todos,
todos que somos todos, no unos,
no algunos, sino todos?
¿Qué pasaría si en vez de seguir divididos
nos multiplicamos, nos sumamos
restamos al enemigo que interrumpe nuestro paso,

Qué pasaría si nos organizáramos
y al mismo tiempo enfrentáramos sin armas,
en silencio, en multitudes,
en millones de miradas la cara de los opresores,
sin vivas, sin aplausos,
sin sonrisas, sin palmadas en ¡os hombros,
sin cánticos partidistas,
sin cánticos?

¿Qué pasaría si yo pidiese por vos que estás tan lejos
y vos por mí que estoy tan lejos,
y ambos por los otros que están muy lejos,
y los otros por nosotros aunque estemos lejos?
¿Qué pasaría si el grito de un continente
fuese el grito de todos los continentes?
¿Qué pasaría si pusiésemos el cuerpo en vez
de lamentarnos?
¿Qué pasaría si rompemos las fronteras
y avanzamos, y avanzamos,
y avanzamos, y avanzamos?

¿Quépasaría si quemamos todas las banderas
para tener sólo una, la nuestra,
la de todos, o mejor ninguna
porque no la necesitamos.
¿Qué pasaría si de pronto dejamos de ser patriotas
para ser humanos?
No sé. Me pregunto yo,
¿qué pasaría?

Mario Benedetti