samedi 31 janvier 2009

Les étrangers sont nuls (surtout les latino-américains, d'ailleurs)


Travailleur étranger



C’est bien connu.
Les étrangers sont nuls.

Les préjugés nationaux (o sea, les anglais baisent mal, les français sentent forts et les ritals sont de fieffés tricheurs) portent souvent la trace de vérités anciennes…

Ces « vérités », qu’il n’est pas de bon ton de remuer quand l’on se veut (tel votre modeste serviteur) un vaillant défenseur d’un monde « progressiste-tolérant-internationaliste-alter », ont sans doute été graduellement estompées par la constitution progressive d’une sorte de « classe moyenne mondiale standard » (celle que toi et moi côtoyons la plupart du temps, ami(e) lecteur, ou que tu sois et malgré tes dénégations hardies, pardi), classe moyenne moyennement classe, donc, de substrat, de culture nord-américaine ou du moins nettement occidentale, essentiellement; dont les comportements et les représentations s’imposent même comme Norme Suprême dans les pays où pourtant, une part importante de la population végète dans une logique de survie face aux affres de la faim, de la misère, de l’exclusion, de l’exploitation généralisée.

Un Français en visite touristique ou expatrié en Amérique latine (puisque telle est la soupe que je te sers par ici) pourra ainsi facilement distinguer un Argentin d'un Péruvien, un Chicano d'un Surinamoi-etmoietmoietmoi, comme il a su parfaitement repérer, tout au long de sa tortueuse histoire nationale, CE QUI a permis de qualifier l’Allemand de “ponctuel, discipliné et travailleur”, ou l’Italien de “séducteur, chaleureux et malhonnête”, ces mille et un détails, habitus qui agacent, rapprochent, intriguent ou amusent.

On a beau le nier, tout le monde en parle en permanence. Les étrangers sont nuls, et cela est bien connu.

Je m’en vais donc te causer des étrangers latino-américains, ces prochaines semaines. Alors, atento !

Tout au long de février, au menu, une sorte d’herbier de nos cousins d’Amérique « Dou Sour ».

Il est entendu que le lecteur pourra retrouver ces traits, plus ou moins atténués suivant que les natifs du pays, plus ou moins satisfaits de leur propre cliché, souhaitent ou non lui donner une prolongation au moins ironique. C'est-à-dire que parfois, l’autochtone, le fourbe, donne ce que tu veux quelque part qu’il te donne, en termes de stéréotypes, avec une distance parfois tout à fait maitrisée dont tu n’imagines même pas l’ampleur…

Mais bon souvent, les étrangers sont VRAIMENT nuls et pas ironiques du tout.

Commençons par le Peuple le plus Latino de tous les latinos. Tu l’auras deviné…Je pense bien sûr aux Wallons de Belgique.

Par exemple, lorsque le Belge dit: “ça va”, il signifie que la conversation avec son interlocuteur a permis de déboucher sur un accord opérationnel ; qu’il sait maintenant, sans ambiguïté, ce qu’on attend de lui, et qu’il va s’employer à le faire. Il l’emploie en somme exactement dans les circonstances où l’Américain dirait : “OK” . Là ou le garçon de café d’Allemagne du Nord, par son : “Alles klar”, semble figé dans l’accord parfait client-serveur, le garçon de café belge, par son : “Ça va”, nous paraît déjà engagé dans l’exécution de la commande. Ce qui est très rigolo. Quand on y pense. Non ?
Bon merde, encore perdu 10 lecteurs là.

Le "Ça va" Wallon n'est donc pas équivalent au "Que onda gueyyyyyyyyyyy" de Mexico DF, encore moins au "Como' ta la ba'hina pue?" de Baranquilla ou de Caracas, ni au "No seas malito joven" de La Paz ou de Quito. Et donc, là, j'en perds 10 de plus. de lecteurs. Du coup. Donc promis, pas de comparaisons linguistiques: juste des bonnes vieilles analyses, lucides ET de mauvaise foi, sur ces vauriens de latinos...

A très bientôt pour commencer ce tour du continent.

Pour se mettre en bouche, voici un sacré P.D:

• LES GRECS
Les grecs s'appellent aussi hélènes : c'est dire à quel point ils sont pédés.
Quelquefois, ils enculent même leurs chevaux et roulent des pelles aux poneyses.
Les grec modernes, comme Theodorakis ou Moustaki, ne portent pas de soutien-gorge, alors que les grecs anciens, comme Démosthène ou Mélina Mercouri, ne portent pas de seins.
Dans les années soixante, les grecs ont commencé à trop manger.
Il a fallu mettre les colonels au régime.
Car les colonels sont de grands enfants. D'ailleurs, dans Pinochet, il y a hochet.

LES IRLANDAIS
Jusqu'à la fin du VIIIe siècle, l'Irlande était bourrée d'hérétiques bourrés et de brutes vulgaires dont le cuir velu et la démarche de nageuse est-allemande répandaient la terreur sur la lande ingrate où soufflait l'âpre vent du nord.

Mi-homme, mi-socialiste, l'irlandais moyen de ces temps honnis se ditinguait du loup-garou par son ample barbe rousse, sa culotte de velours et ses yeux quelconques...

D'une rusticité invraisemblable, il chassait le bébé phoque à la scie sauteuse, vivisectionnait les brontosaures à des fins mercantiles et se livrait sur les aigles royaux à de manipulations copulatoires et autres attouchements fébriles que la morale réprouve.

Aujourd'hui, il y a deux sortes d'irlandais.
1. Les irlandais du sud, qui sont à l'ouest de l'Angleterre, et
2. Les irlandais du nord, qui sont en dessous de tout.

Les irlandais du nord se divisent en deux :
1. les catholiques et
2. les protestants.
Comme ils croient que ce n'est pas pareil, ils s'entre-tuent avec vigueur pendant les heures de bureau.
Alors [certains irlandais] vont au cinéma et s'en vont au milieu du film.
C'est la grève de la fin. C'est très dur. On peut mourir.

• LES CUBAINS
Quand ils sont ronds, les cubains sont cubiques. C'est pourquoi on les appelle les cubains.
Cuba est une île assez difficile à dessiner, par rapport à la Corse.
Malgré un climat tropical tout à fait exquis et la douce luxuriance d'une flore admirable, c'est plein de communistes.
Très sémillants dans leurs costumes kaki, les soldats cubains aiment intervenir dans les pays africain où ils font des trous dans les enfants qui passent, pour faire avancer la démocratie.
À l'instar de ma soeur qui vivote grâce au soutien de Paulo Gomina, Cuba survit grâce au soutien de l'Union Soviétique qui lui rachète à prix d'or tout son sucre pourri, en échange de quoi Castro vote coco à l'ONU dès qu'il a cinq minutes.
Conséquence première de cette politique castro-sucrière de l'URSS, cinquante millions de citoyens soviétiques souffrent de diabète, et sont envoyés au
goulag où ils sont privés de dessert mais pas méchamment juste pour les guérir.
• LES CHILIENS
Contrairement à ma soeur dont les rotondités boulottes exacerbent les sens des employés du gaz, le Chili est maigrichon et tout en longueur.
Selon une récente statistique de la SOFRES, sur cent personnes qui se masturbent devant une une carte du Chili, une seule parvient à l'orgasme.

P. Desproges, 1981.

vendredi 30 janvier 2009

lamerike latine c est koi comme origine




"dans quel pays d'amerique latine parle t-on espagnol?"

"lamerike latine c est koi comme origine"

"sabatini jambes de salope"

"nichon meuf latina"

"c est ou l'amerique du sud?"

Voilà. Telles sont les "Top entrées" du Patxi's blog.
Ce sont ces quelques mots clés, tapotés laborieusement, ce mois-ci, sur un de ces millions de claviers anonymes, qui t'ont peut être amené jusqu'ici.

100% authentique/pour de vrai. Ademas...

Assez rarement, trop rarement en l'occurrence, je m'en vais inspecter le mouchard installé dans les contreforts de cette taverne, histoire d'avoir une idée de qui y vient, d'où, et surtout comment.
Des grosso merdo 90 visiteurs, chaque jour, une bonne cinquantaine passe le seuil directement, vient prendre un coup de Chicha avec moi, à peu près en conscience de ce que cela implique; ou sait à peu près ce qu'il cherche sur "l'Amérique latine".
Le reste, ça peut prendre des chemins pour le moins...biscornus.

Une fois ne sera pas coutume, je censurerai les entrées à caractère sexuel, de plus en plus loufoques, notamment venant d'une certaine partie du monde qui vit vraisemblablement une époque de restriction sexuelle patente et désolante, il faut bien le dire.

Oh et pis non tiens! En voilà au moins une: "échangisme Cuba bondage combien"

Sinon, à part ça, une question me taraude, chers ami-es et camarades de manifestations massives et déterminées:
"nikola sarkozy cé koi com origine?"

mardi 27 janvier 2009

Et encore une branlée magistrale signée Evo Morales!






A partir de combien de branlées électorales, avec plus de 65 pour cent à chaque fois, CNN va arrêter de parler "d'élection serrées", "tendues", "incertaines"?
A partir de combien de raclées subies systématiquement par la droite endogène (et exogène, du même coup) de ce pays andin, dont tout le monde se contrefoutait il y a peu, sera-t-il possible d'avoir une couverture médiatique censée, équilibrée, raisonnablement honnête? Quand la presse globale, qui ment, ment, ment énormément, notamment les inénarrables télévisions latinoaméricaines, vont-t-elle cessé de parler de "pays polarisé", de "climat de suspicion", "appels à la désobéissance civique", et donner la parole à des mouvements ultraminoritaires, les monter en épingles, pour stigmatiser, distorsionner, contorsionner, décontextualiser, manipuler, dans un sens, jamais dans l'autre?

Encore une branlée signée Evo, carrajo! C'est tout, point barre!
Evo, humaniste andin, caudillo quand "il le faut", faut pas déconner non plus; Evo, le Mandela latino-américain, même s'il apprend chaque jour et qu'il est encore un peu "frais", Evo voit loin.

En athropologie politique, cela s'appelle la "décolonisation des imaginaires", la décolonisation du dedans, dans un pays d'apartaheid de facto, depuis la Conquista.
Evo voit loin.

Rappelons qu’Evo est arrivé au pouvoir à la fin de l’année 2005 avec 53% des voix, soit 15% de plus que l’adversaire suivant, dans un système pseudo démocratique où les moyens de communication, l’économie et les différents pouvoirs sont dominés par une minorité dite "ancestrale" installée au pouvoir depuis des décennies. Pouvoirs descendant grosso modo des dictatures militaires et des oligarchies ayant « régné » pendant des siècles sur le continent latino-américain. En dépit de ce contexte, Evo Morales a obtenu en tant que président, le meilleur soutien électoral de toute l’histoire de la Bolivie.

On a tenté d’identifier ce processus au processus cubain. Or, lors des récentes célébrations de l’anniversaire de la mort de Che Guevara en octobre passé, Evo a été clair sur le fait que bien qu’il admirait le mythique guérillero cubano-argentin Ernesto Guevara, il se positionnait pour la réalisation de transformations sociales par la voie pacifique, démocratique et non-violente. Selon ses déclarations, « son unique différence avec le Che, c’est que celui-ci recherchait l’égalité et la justice, les armes à la main ».

On a aussi cherché des similitudes avec le "modèle" vénézuelien, Herr Tonton Hugo Chavez. Mais avec son refus de la guerre et de la violence en tant que moyen pour résoudre les différences entre pays, refus inscrit dans la nouvelle constitution, Evo Morales marque une nouvelle différence révolutionnaire qui s’écarte d’« armer le peuple pour résister » (Evo ne pense pas que les milices populaires et les alliances Peuple-Armée soient de saines et louables projets, contrairement au Président caribéen).

Evo ouvre de nouveaux chemins, non encore explorés en Amérique Latine.
Il y aura d'autres branlées, d'autres avancées, d'autres raclées contre les latifundistas (vas chercher sur Wiki spanish ce qu'est le latifundio je te prie).

Que viva la nueva Constitucion, carrajo!

samedi 24 janvier 2009

De l'utilité du rite en politique (chez Hugo comme chez Emiliano)






Toute société a des rites.
Toute société politique a des rites politiques.

C’est tout pour aujourd’hui ?
Oui, merci.
(…)

L’histoire de toutes les sociétés révèle que «les rites sont des dispositifs qui servent à neutraliser l’hétérogénéité, à reproduire autoritairement l’ordre et les différences sociales» (J.Rivière).

Relis.

Relis encore.
Ta' bueno no?

Et le rite se distingue des autres pratiques car il ne se discute pas, il ne peut être changé ou s’accomplir à moitié. Il s’accomplit, et ainsi l’on ratifie son appartenance à un ordre. Si on le transgresse on en est exclu, hors de la communauté, et de la « communion » que cela suppose.

Chaque année, le Venezuela de Chavez, depuis maintenant 10 ans, a recours à la « ritologie »: Alo Presidente ; Cadenas - messages de plusieurs heures qui s’imposent sur toutes les fréquences de radio et télévision ; concerts, meetings ; fausses polémiques nationales et internationales créées pour détourner l’attention ; et surtout, une campagne électorale nationale, massive, omniprésente, chaque année.

Ces rites bolivariens sont à mon avis tout à fait comparables à ceux autrefois organisés par le Parti Révolutionnaire Institutionnel (audacieuse terminologie…) du Mexique.
Ces rites ont contribué au renforcement de l’autorité tant symbolique que réelle du PRI sur ces 71 années de pouvoir, en favorisant notamment l’absence de contestation symbolique. La liturgie politique permanente menée par le PRI a ainsi contribué à sa longévité.
Une des différences évidentes, c’est le personnalisme autour de la figure du seul Chavez, et non autour d’un parti, dans un système présidentiel mexicain qui refuse toute réélection. Changer la tête pour ne rien changer au système…tandis que Chavez propose l’inverse ces temps-ci pour un référendum de plus : ne pas changer la tête, pour pouvoir changer le système (du moins est-ce l’aspiration de son mouvement).

La recherche laïque sur les rituels, du point de vue de leur simple fonction sociale, entreprise par Pierre Bourdieu, observe la « séparation » que crée le rituel. Les rites classiques, comme passer de l’enfance à l’âge adulte; mais aussi être invité pour la première fois à une cérémonie politique, à une fête civique, un meeting du candidat ou du leader, ou entrer dans un Museo Nacional ou une école et comprendre ce que l’on y expose sont, plus que des rites d’initiation, des « rites de légitimation » et d’ « institution ». Ils instituent une différence durable entre ceux qui participent et ceux qui restent en dehors.

Toute acte d’institution est un « délire bien fondé », disait Durkheim ; « un acte de magie sociale », conclut Bourdieu. Pour lui, la consigne qui sous-tend la « magie performative » du rituel est : « deviens ce que tu es ».

Au Mexique, le discours patriotique d’adhésion au projet national, sous forme d’injonctions permanentes (et que vivent encore un peu les petites filles de la toujours intéressante bloggeuse expatriée, E., à l’école d’Aguascalientes) pouvait se résumer ainsi : Toi qui as reçu la culture patriotique, la mexicanidad- la méxicanité, comme un don et qui la porte comme quelque chose de naturel, incorporé à ton être, comportes-toi comme tu l’es déjà, comme un Héritier. Profites des musées, de tes cours, de l’ordre social, le futur te sera donné. La seule chose que tu ne peux pas faire, dans un régime autoritaire, paternaliste et semi-corporatiste dans une moindre mesure encore, c’est abandonner tes devoirs, et vouloir prendre dans une certaine mesure ton destin en main.

Le pire adversaire qui soit n’est pas celui qui ne va pas aux rites ou aux meetings organisées par le régime (et ou ne pas aller peut valoir sanction pour le fonctionnaire), mais celui qui trahit l’héritage. Celui qui questionne si la démocratisation est réelle, ou si elle n’est qu’un pur habillage rhétorique. Celui qui questionne, par exemple, si les personnages illustres célébrés lors des fêtes patriotiques l’ont réellement été, si ces événements historiques se sont réellement déroulés.

Au Mexique, il faut resituer la place publique, le zocalo, l’école ou le musée dans cette logique de « théâtralisation du pouvoir », qui favorise les ritualisations culturelles. Pour que les traditions servent aujourd’hui de légitimation à ceux qui se les sont appropriés, il résulte indispensable de les mettre en scène. Le patrimoine existe comme force politique dans la mesure où il est théâtralisé par ces commémorations, ces monuments, ces musées.

Il faut bien voir qu’au Mexique, comme dans l’ensemble du continent latino-américain, l’analphabétisme commença à être un phénomène assez minoritaire il y a très peu de temps. Aussi n’est-il pas surprenant que la culture et par là même la mémoire historique, qu’elle mette en valeur la Révolution ou « L’Eternelle aspiration du PRI à la démocratie » ait été transmis visuellement. Sur les murs. Dans les rues.

Au Venezuela, la qualité artistique en moins, on peut avoir l’impression d’être aux prémisses d’un tel processus, également à l’œuvre sous la IIIème République française à certains égards (notamment, construire une Nation à partir de peuples ou visions du monde hétérogènes).

Car être un citoyen cultivé, ser culto, dans ce contexte, c’est d’abord appréhender un ensemble de connaissances, en grande partie iconographiques, sur cette propre histoire, et participer dans les mises en scènes où les groupes hégémoniques font que la société se donne à elle-même le spectacle de son origine, de ses fondements historiques.

Les hâtifs, trop pressés et les cuistres, trop enclins à tout balayer d'un revers de main, goguenards, ne voient que manipulation et réécriture de l'Histoire officielle; propagande et mensonges dans ces rites...

L’hypothèse a 1000 pesos : beaucoup, peut-être toutes, les Nations, ont besoin de ces doses de fictions pour commencer à exister et à se forger, à se construire comme identité stabilisée.

L’Amérique latine commence à s’émanciper véritablement et à « faire Nation » depuis le milieu des années 1990 à peine. Tous les leaders actuels y contribuent, Chavez encore plus clairement que d’autres. Qui sommes-nous pour y voir quelque chose de mauvais, de ridicule, de nocif, de négatif ?

Jules Ferry a bien alphabétisé la France entière…tout en conquérant au fer et au sang l’Algérie toute entière, dans le même temps ! Le pire et le meilleur, dans un même élan…
Les leaders des gauches actuelles, malgré leurs erreurs et dérapages autoritaires parfois, sont en train d’écrire de belles et importantes pages d’Histoire pour leur continent.

J’ai ainsi appris à apprécier la valeur de ces rites. A bouffer de leurs musées, de leurs écoles, de leurs meetings (j’ai même une collection fétichiste de tee-shirts de partis de gauche du continent).

Toute société a des rites.
Toute société politique a des rites politiques.

mercredi 21 janvier 2009

Biotope de Puerto Maldonado (Pérou)






Découvrez Flûte des Andes!



Puerto Maldonado, Pérou, été 2000 et quelques après JC.
Non loin des frontières, ou serait-il plus approprié de parler des « confins » communs du Pérou, du Brésil et de la Bolivie.

Encore un aéroport.

« Quand l’avion se pose sur la piste…
J’aurais voulu être un… »

Non, à vrai dire, j’ai toujours voulu faire ça. Pas de cette nostalgie du cadre commercial qui se croit artiste raté et soupire doucereusement. Non. Le trafic d’organes, c’est parfait. J’aurais pas voulu être un artiste. Ce job est par-fait.

Un aéroport. Du temps à tuer devant soi : je vais pouvoir apprécier les mille et un décalages et autres entrechats qui se font et se défont chaque jour, dans n’importe quel aéroport de province du monde; et celui-ci, en particulier. Croisements étranges entre ces différentes faunes qui se télescopent bruyamment dans ces endroits finalement si étranges de départs, retrouvailles, illusions brisées, amours déchirants et autres malentendus.

La plus bruyante de ces tribus arrive, toujours soudaine et braillarde. On ne peut la rater.
Les touristes.

Des touristes, partout; ça grouille, ça sort et ça rentre de partout. Les bus déversent leur flot continu de viande occidentale repue, satisfaite d’aventures tarifées et de nuits avariées, prêts à s’engloutir Cuzco, Lima, et repartir, fissa.

Touristes, dont je fus, suis, et serai, précisons-le d’emblée, ça m’évitera les commentaires acerbes des pisse-froids de service qui aiment à chichiller ici bas.

Des touristes, partout; ça grouille, ça sort, rentre, de partout; dans l’un, dans l’autre sens, ça s’empresse et se bouscule, ça pousse hardi, ça passe le sas, c’et déjà prêt à prendre le bus d’assaut, à prendre la place encore chaude de la cargaison départ, c’est déjà prêt, emballé, ça va se caler direct sur les mêmes banquettes de moleskine, dans les mêmes contours, enfoncés, le même chauffeur, défoncé, exactement les mêmes, c’est bien foutu, quand même. On dirait « l’aile ou la cuisse », version agro-industrie du tourisme de masse (dont je suis, oui, je sais, fais pas chier).

L’industrie nous rend absolument, parfaitement, interchangeable.

Plus tôt, au même moment, dans les mêmes « hôtels éco-touristiques », clac, la cafetière standard pressionnée une dernière fois, clac, mauvais café, clac, les mallettes sont fermées, clac, la porte du bus climatisé se ferme, clac, la viande se rue près du comptoir ou attend, dévoué, dévot, Manuel, LE guide, LEUR guide, como se llama,. I forgot…Strange names…leur guide qui les trouve si « SPESHIAL » et qui passe pour la propina (le petit pourboire).

Au bas mot, chaque énergumène de ce merveilleux biotope de touristes, 4 sacs-bananes à chaque bras, représente un prix total de revente de 4000 dollars US en équipements électroniques high tech, dry gear, rando, photo matos, devant les yeux gourmands, intrigués, fascinés, d’autochtones portant, au bas mot, 4 gosses à chaque bras, représentant un prix total de revente de 40 dollars par tête (enfin les prix ont du baisser depuis, en tout cas je l’espère en m’en félicite par avance).

Un d’entre eux a particulièrement attiré mon attention. Un blondinet, mas o menos 19 balais, avec un chapeau Justin Timberlake, des baskets à damiers tout neufs, le jean moulant (putain, motivé, fait au bas mot 35 degrés dehors), chemise blanche, immaculée (il avait bien calculé son coup tout de même, le beau gosse), toute aussi moulante, sortant de deux jours d’éco-aventure tour opératorisée. Et de lancer sa propre battle, son propre défi à lui auprès des autres groupes de ricains présents: combien vous avez vu d’animaux ? Combien ? God, non parce que nous on en a vu des dizaines et des dizaines nous. Assom ! On a vu 2 serpents, 3 perroquets, 1 dauphin rose, enfin un bout du museau », on a fait la liste des bichos, on est like Indy Jones, you know. « It felt like, you know… », entend-on partout. Leur enthousiasme contraste avec la morgue des petites grappes de bataves et français, non loin, qui n’en ont peut être pas vu autant ou qui du moins ne semblent pas avoir encore appris à montrer leurs dents. Ou que sais-je encore. On peut penser de ce qu’on veut des troupeaux de gringos en vacances, mais au moins ne boudent-ils pas leur plaisir, les saligots, eux qui n’hésitent pas même à le partager à qui veut bien l’entendre. Le blondinet termina son show avec un pas de danse qu’il effectua devant des jeunes filles locales, intimidées et ravies devant tant d’audace made in North Carolina.

Dans l’avion, trois quarts de gringos. Who is this woman, demande le voisin US au guide Péruvien, non loin, en montant la première page du journal. « She was kept by terrorists, and now she is free”, répond-il. “Oh yeah really? Too bad. We have terrorists problems too in the US”.
Belle réplique, beau relativisme de l’info du jour: Ingrid, l’Uribe show, que j’ai pu par la suite suivre depuis mon hôtel à demi-cracra, à demi-présentable ; le sentiment en direct que ces otages, Ingrid, auraient été « oubliés » par la Colombie officielle sans les pressions des sociétés civiles, du gouvernement français, on peut en être sûr aujourd’hui. Personne ne parlait des trois gringos aux Etats-Unis, PERSONNE ! Mais c’est de l’histoire ancienne désormais, n’est-ce-pas.

Un local de l’étape à mes côtés : de pire en pire, estime-t-il, la situation. On voit les problèmes du tourisme, on les subit, tous les jours, mais on n’en reçoit pas les bénéfices. Chiliens, Italiens, espagnols, argentins. Que reste t il pour les locaux ? Ici, mais à Cuzco c’est pire encore, précise-t-il.

Etrange sensation, douce-amère, mixture de beauté et de souffrances, de frustrations étouffées. Jusqu’à quand les exclus de la manne touristique vont rester les bras croisés quand leurs nappes phréatiques se réduisent à vue d’œil pendant que les prix locaux flambent, pour les besoins de la Machine? Y’aura-t-il un moment de basculement, un point de non retour qui obligera les acteurs à négocier avec les communautés locales, un jour, tant elles seront devenues menaçantes pour la stabilité du business ?

Les Tours operators sont omniprésents dans ce petit aéroport. Très vite, si l’on prête attention, on comprend que face aux manœuvres des compagnies locales d’avion et agences touristiques, les touristes seront toujours prioritaires sur les voyageurs et hommes d’affaire, employés, commerçants locaux. Un groupe de travailleurs péruviens et de brésiliens ont même du retourner à l’hôtel pour la deuxième fois, l’avion étant plein, finalement, malgré leur réservation et paiement en bonne et due forme. Priorité à la manne-légion étrangère. Le Surbooking comme seconde nature.

En tout cas, le Président Alan Garcia brade en ce moment. Tout investisseur étranger peut faire à peu près ce qu’il veut, ou il veut, en dépit du cadre légal existant.

Puerto Maldonado, c’est un village de far West, avec ces motocarros qui sortent de partout, quelques prostituées, grassouillettes, engoncées dans leur attirails en skye, et leurs conducteurs moustachus, aux deux,
qui font vrombir les maquinas, au feu rouge, façon Indy car, et dans des bouis bouis infâmes aux odeurs de pisse et aux backrooms aux néons malicieux. Des militaires, explorateurs, et incontournables, à cette période de l’année ; et des gringos. Partout.

Ca trafique de tout, des engrais, du bétail, des armes, dit-on, et même de l’haïtien. Bien cotisé, l’esclave haïtien, en Guadeloupe comme en Amérique latine.

Puerto Maldonado, ses motos, ses militaires, ses biotopes de gringos et ses feuilles excel de décomptes d’animaux exotiques, Puerto Maldonado et son aéroport, vous tendent les bras !

Sinon, pour avoir une idée plus juste et saine de ce pays merveilleux que j'aime tant, je vous recommande la lecture du blog Chroniques péruviennes.

mardi 20 janvier 2009

Rocca, de La Cliqua




Rocca est sans doute un des rappeurs français les plus méconnus. Il se distingue par sa voix, son flow incisif, la réalité, la profondeur et la justesse de ses textes et par sa capacité rare à rapper parfaitement en deux langues : français et espagnol. Aujourd'hui, Rocca semble s'être détourné du marché français et se concentre sur son groupe hispanophone Tres Coronas. Il a sorti plusieurs mixtapes avec son groupe qui leur a permis de sortir l'album Nuestra Cosa en 2005.

Rocca, en 1993, c'était ça (voir le clip artisanal créé par un chti jeun plus bas).
Il vient de participer au concert de La Cliqua le 16 janvier dernier à l'Élysée Montmartre. Una matanza!

Mes biens chers frères, Rocca, c'est le Marcuse du rap français!

"Maintien de l’ordre symbolique indispensable au règne des puissants, les cadres et autres auxiliaires de la domination parviennent à se convaincre qu’ils défendent vraiment des valeurs universelles de liberté, de justice et d’humanité. Ils n’ont pas sauf cas particulier de cynisme le sentiment, ni a fortiori la volonté, de servir un système d’exploitation, d’oppression et de corruption puisque à leurs yeux ce système, pour autant qu’il fasse l’objet d’une réflexion explicite, est globalement bénéfique", conformément au credo du catéchisme néolibéral dont ils sont imprégnés.

"Ce que ne voient pas toujours la plupart des gens, c’est que la dictature du plaisir des sens est en relation circulaire avec l’exigence capitaliste de la marchandisation généralisée. L’offre et la demande sur le marché du plaisir à tout prix s’entretiennent réciproquement, insatiablement. Mais le degré d’aliénation est désormais tel que le simple fait de critiquer cet aspect des choses, dans le climat du politiquement correct, est perçu paradoxalement comme une menace à la « liberté » de chacun de « s’éclater », « prendre son pied », « jouir comme une bête », etc. Il faudrait peut être se préoccuper de réapprendre à jouir comme un humain, car le capitalisme sait parfaitement tenir la bête en laisse tout en excitant ses appétits".

MARCUSE!!

samedi 17 janvier 2009

Révolutionnaire



Un révolutionnaire ne naît pas dans un monde bon.
Il naît d'un monde douloureux.

Rigoberta Menchu

mardi 13 janvier 2009

Suleiman

Ce matin, j'ai tenu dans mes bras, en pleurs,
un vieux monsieur, tassé, rabougri.

Ce matin, à bout de force,
futile et frêle épaule, longuement, j'ai tenu,
comme j'ai pu, cet homme qui voulait en finir.

Ce matin son chagrin pesait le poids de l'inhumanité toute entière.
Ce vieux monsieur, tassé, rabougri, digne.

Infinita tristeza.

Suleiman.
Mr Suleiman. Né à Gaza. A fui. Comme il a pu.
A laissé. Derrière lui.
Comme il a pu.
La famille.
La guerre.
L'innommable.
Il y a longtemps.
Tout laissé.

Même, le noyau dur, la cellule de SA famille, sa femme, ses trois enfants.
En Jordanie. Apatrides.
Sans papiers, sans droits.
Piégé. Toujours à moitié clandestin.
Lui qui a étudié dans les camps de l'ONU-UNRWA et est devenu un brillant ingénieur.
Sans emploi.
Sans papier.
Sans droits.
Depuis les accords d'Oslo. Paradoxalement. Chassé.
En finir.
Aujourd'hui.
Suleiman.
Clame qu'il "veut" ou "va" s'immoler. Ou quelque chose dans le style.
Hurle qu'au fonds, c'est bien le monde entier, silencieux, qui les pousse à cette folie de l'attaque suicide. Face à Tsahal.
Ce matin.


Au 4 ème jour.
de cette offensive.
Parmi les désormais 950.
4. Décomptés, recomptés, retranchés, en zone urbaine.
Suleiman.
4 morts. La même famille.
Suleiman. Sa famille. Dont deux frères.

Mon beau, mon vieil ami.
Il en a 54; en parait 80.

Il y avait eu, un de ces matins d'humeur post WWII, lucide et apocalyptique, à la fois, ces mots, d'Adorno: "il ne peut plus y avoir de poésie après Auschwitz".

Je sais désormais il ne peut y avoir de "blog" pendant Gaza.
C'est juste pas possible. Ces jours ci.

Trop de rage devant les forfaits de l'Etat d'Israël.
Armes à fragmentation au Liban. Au Phosphorito cette fois.
Israël n'a plus de respect que pour Israël.
La "démocratie ethnique" (le mot est de E.Todd) et son traitement de la "Question" Palestinienne" est proprement inouï.

Les sorties de crise durables existent, sans même parler de l'Initiative de Genève.
Il manque juste des hommes politiques visionnaires et courageux.

Ce matin, j'ai tenu dans mes bras, en pleurs,
un vieux monsieur, tassé, rabougri.

Il est resté, sur mon palier.
Ne voulait pas rentrer.
Je redoutais, depuis quelques jours, la petite tragédie, dans la grande.

Comment veux-tu que je te cause d'autre chose aujourd'hui?

Il fallait voir, dans ces yeux gris, l'indicible calvaire, l'indicible injustice, la sienne, la nôtre, lui qui a subi les tirs sur les civils, les check point, la faim, le blocus, l'occupation, les "accrochages", les bombardements de lieux publics et d'habitations familiales, toute sa vie, ses tragédies, sa trajectoire, à lui, que je connais par cœur; l'indicible tragédie, l'inénarrable douleur des millions et millions de Suleiman, de familles palestiennes civiles sans avenir, sans Etat, sans droits, entassées de force, condamnées en territoire occupé, baffouées, trompées par un Fatah corrompu et des islamistes radicaux incontrôlables, par les pays "Frères arabes",
humiliées, ignorées, dans le monde officiel arabe, dans les camps de Syrie, d'Egypte, de Jordanie.

Ce matin, j'ai tenu dans mes bras, en pleurs,
un vieux monsieur, tassé, rabougri.

Il évoqua, entre ses sanglots, Yasser, shalom alekhem, Herzl, salam aleikoum.

L'ordre en Palestine?
Camus, 1944, depuis le fracas du monde, de la part de Suleiman:

" On parle beaucoup d'ordre en ce moment (...)
Le résultat, c'est qu'on ne peut invoquer la nécessité de l'ordre pour imposer ses volontés. Car on prend ainsi le problème à l'envers. Il ne faut pas seulement exiger l'ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens.
Ce n'est pas l'ordre qui renforce la justice, c'est la justice qui donne sa certitude à l'ordre.
(...)
Nous croyons ainsi qu'il est un ordre dont nous ne voulons pas parce qu'il consacrerait notre démission et la fin de l'espoir humain.
C'est pourquoi, si profondément décidés que nous soyons à aider la fondation d'un ordre enfin juste, il faut savoir aussi que nous sommes déterminés à rejeter pour toujours la célèbre phrase d'un faux grand homme et à déclarer que nous préférerons éternellement le désordre à l'injustice."
Extrait d'un article d'Albert CAMUS, paru dans "Combat" le 12 octobre 1944

Justicia, pour tous les Suleiman de Palestine, du Moyen Orient, d'Europe et d'Amérique latine.

mardi 6 janvier 2009

Tu marches de si loin


Découvrez Louis Armstrong!
















Ainsi fut ta naissance.
Tu viens de tant de lieux, de l'eau, de la terre,
tu marches de si loin
au-devant de nous deux,
de cet amour terrible
qui nous a enchaînés,
que nous voulons savoir
comment tu es;
oui, parles:
tu connais mieux ce monde
que nous t'avons donné.

PABLO NERUDA

lundi 5 janvier 2009

El cartoonista





El cartoonista, ou le meilleur éditorialiste de cet Extrême occident...

samedi 3 janvier 2009

Nada que ver

Nada que ver, talento latino.

Ici, une pub pour le Monopoly, version Cuba.


Là, les gays de Queer eye s'occupent de relooker un membre des FARC


Un aperçu des programmes du câble qui égayent les soirées des classes moyennes depuis Matamoros, Mexique jusqu'à Puerto Montt, Patagonie.
Clin d'oeil complice, plutôt appuyé, à tous les expats d'Amérique latine qui sont de plus en plus nombreux à passer le seuil de cette taverne. Et qui apprécieront les références sans doute d'avantage que les autres...



Marximiliano




Les présidents du continent se plaignant des nouveaux agendas des Sommets régionaux



Bref, que du beau, du bon, du bonito!

Un globo