Enfant déplacé de Colombie
Face à l'insondable, inédite, absurde et démentielle lâcheté des FARC,
il y a,
la voix posée, malgré l'émotion, la clarté malgré l'enjeu, la justesse de ton malgré l'état de santé, l'humour malgré le traumatisme, de 4 otages libérés qui ont donné une conférence de presse bouleversante, historique, inouïe.
Censurée par CARACOL et RCN, les télés colombiennes pourtant présentes.
Elles ont préféré passer des télénovelas.
C'est que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire dans ce régime mensonger qui est parvenu à anesthésier totalement une bonne partie du pays, qui ne veut surtout pas prendre conscience des réalités de son conflit armé interne. On rate jamais Chavez en Europe, mais ce genre de censure quasi quotidien en Colombie, on ne vous en parlera jamais.
Il y a de quoi verser des heures et des heures de larmes et de commentaires sur tout ce qui s'est dit, ressenti, d'universel et de particulier aujourd'hui.
Le mythe d'une armée qui fait plier les FARC, qui a repris le contrôle du pays, ne tient pas. Qui osera dénier tout ce que racontent les otages, qui ont parcouru tout le pays, les frontières du Brésil, du Pérou, du Venezuela, de l'Equateur et même à l'intérieur de l'Equateur même.
L'unique solution est politique.
Uribe, un jour, paiera son intransigeance.
En attendant, ce sont tous les otages qui la paient.
On peut, et on doit dire et commenter ce que l'on veut sur la stratégie de Chavez, son manque d'appréciation de la rouerie des FARC, ses calculs, et je m'en suis pas privé ici, mais une chose est certaine: Chavez fait bouger des lignes qui ne bougeaient plus depuis des décennies en Colombie. Il a tout foutu en l'air, et continue de le faire tel un gros matou incontrôlable et ma dressé dans un jeu de quilles en bois.
A un moment donné, il faut regarder son caca bien en face, individuellement et collectivement.
La Colombie n'aime pas cela, lassée de cette image, appelée par son talent et sa modernité qui cohabite avec les phénomènes les plus médiévaux du continent.
La Colombie, voyez-vous, par ailleurs charmant pays, crève d'indifférence et pour reprendre le mot d'un otage à sa libération, elle crève d'insolidarité.
Il n'y a qu'à écouter et lire la bonne société qui fait l'opinion, vomir sa haine stupide, profonde, vorace et au final, tellement suicidaire.
75% des secuestros dans le monde se produisent en Colombie.Etc.
Mais ca s'est normalisé...
Les informations sur Ingrid sont alarmantes.
Uribe est au pied du mur, et doit désormais agir, contraint, et doit trouver une sorte de compromis.
Les FARC sont à un tournant.
Les semaines à venir sont décisives.
Les choses peuvent avancer.
Alors, ému, repensant à mes fragments de Colombie, bien affutés, qui coupent sur les bords et vous laissent les doigts tâchés de sang et de larmes, je m'en remets sobrement à mes deux auteurs mexicains préférés.
Cruel dilemme: sans fraternité, la liberté se pétrifie; sans liberté la démocratie cède le pas à la tyrannie. Une contradiction fatale, au double sens du terme: nécessaire et funeste.
Sans elle, nous ne serions pas libres, nous ne pourrions aspirer à notre seule dignité: être responsables de nos actes.
Octavio PAZ
Tout est possible.
On ne devrait rien dédaigner.
Rien n'est incroyable.
Rien n'est impossible.
Les possibilités que nous rejetons ne sont que les possibilités que nous ignorons.
Carlos FUENTES
Uribe, Marulanda, sacrés salopardos l'un comme l'autre, pensez-donc à cela: les possibilités que nous rejetons ne sont que les possibilités que nous ignorons.