jeudi 30 août 2007
Le sport pour tous, carrajo!
La Cumbia de los Trapos.
Impossible d'échapper à la Cumbia-Kitsh dans les Andes, y compris dans le grand nord argentin. Arrêtes de finauder, et mets-toi dans l'ambiance je te prie.
Chronique d'une inattendue raclée.
C'est qu'elles nous ont corrigé ben comme il faut, les bonnes mamas des haut plateaux andins.
Perso, les imaginer en escadron jouer contre, disons, les gaillards des îles Tonga, en rugby, là, dans la poule 3 du Mondial de Rugby 2007, ça pourrait être tout à fait jouable.
Je sais de quoi je parle. Un jour peut-être aurai-je les couilles de révèler les stigmates honteux de la déroute: feuille et stats de matche, gros zoom des ecchymoses, bleus et autres tâcles à l'ancienne sur les tibias, mollets, épaule.
'Déconnent pas les Dona Mamani, Condori.
Quel panache mes enfants!
Jt'e monterai un bon XV moi là haut avec ces sympathiques guerrières.
On les exploserait tous, y compris les barbares de la Perfide Albion, foi de Patxi.
Que viva le sport pour tous!
Y compris à 4000 mètres!
dimanche 26 août 2007
Les enfants de Hollywood (Colombie)
La presse mondiale et régionale est là, aux aguets, toujours prompte à discréditer d'emblée les positions et politiques parfois fantasques de l'incontrôlable bolivarien. Corruption, insécurité, violations de droits de l'homme. Pas une semaine sans lire les pires horreurs sur le Venezuela de Chavez.
En creux, et dans un parallèle parfaitement symétrique, on peut aisément constater la mansuétude, le silence et la tolérance complice de ces mêmes producteurs de communication et d'opinion globalisée, envers l'autre grand populiste de la région, l'oligarque Alvaro Uribe (ce mot a un sens très précis à Antioquia, sa région d'origine: d'ou son utilisation ici même).
La Colombie atteint sa troisème génération en guerre. Le conflit armé interne colombien génère chaque jour des violations massives aux droits humains fondamentaux autrement plus généralisées et systématiques, et un impact humanitaire autrement plus intense, que partout ailleurs en Amérique. Un président qui nie tout simplement qu'il y ait un conflit armé (prblème de "terrorisme", dit-il), l'existence de 3 millons de déplacés internes, de 11 à 13 000 enfants soldats au sein de groupes irréguliers, plus de 826 victimes de mines anti personnel l'an dernier dans son pays etc, une solide extrême pauvreté et d'énormes niveaux de corruption liées au narco, au plus haut niveau, mériterait un traitement médiatique tout aussi sévère.
Deux poids deux mesures, qui n'étonnera que modérément le lecteur un tant soit peu alerte et, j'ose le gros mot, conscient.
Aujourd'hui, deux shots de Chicha sur la Colombie osscura, histoire de rappeler deux trois évidences:
- cette très belle vidéo sur un quartier afro parmi tant d'autres en Colombie, les enfants d'Hollywood, Buenaventura (ville ou par ailleurs explosent des bombes artisanales qui tuent des civils, régulièrement, depuis 2004)
- cette analyse sur RISAL
La Colombie est le plus grand cultivateur de coca illégale et le plus grand producteur de cocaïne au monde. Elle est aussi l‘un des principaux fournisseurs d’héroïne du marché des Etats-Unis. C’est le premier ou le deuxième producteur de faux dollars états-uniens ; elle a le nombre le plus élevé d’enlèvements et d’assassinats commandités ; elle occupe la deuxième place pour le nombre d’enfants liés à la guerre et d’habitants touchés par les déplacements internes ; elle est le premier ou le deuxième pays latino-américain exportateur de prostituées, et elle a la plus grande ou deuxième plus grande guérilla marxiste du monde [les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie - FARC, ndlr]. La Colombie est le plus grand producteur de passeports de la Communauté européenne et d’euros de grande qualité. Mi 2006, la police a démantelé une usine dans laquelle on falsifiait les difficiles dollars australiens. Inévitablement, dans de telles circonstances, la corruption est rampante.
Chavez a été mis en place par son peuple.
Uribe a été mis en place par les groupes paramilitaires.
J'y verrai, jusqu'au bout, une certaine différence.
Il n'empêche: les deux sont néanmoins de dangereux populistes qui perpétuent une impunité inégalée jusqu'alors. Leur traitement médiatique totalement différencié devrait, lui aussi, nous inviter à la réflexion.
samedi 25 août 2007
Généreux
«La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.»
[ Albert Camus ] - Extrait de L’homme révolté
A tous ceux qui exercent ces fabuleux métiers. De ceux qui ne rentrent pas dans les petites cases de l'URSAF, de l'ANPE, formulaires de l'INE et autres notices d'UBIFRANCE. A tous ceux qui entendent la générosité, tel DJ Camus, comme une éthique de vie et pas comme une aumône. Et à ces deux là en particulier.
Leur contribution les préoccupe plus que leur cotisation.
Ils donnent et pensent plus au présent qu'à la dépense et qu'à leur pension.
Ils en sont fort heureux figurez-vous.
Ils emmerdent toutes les Christine Lagarde de notre beau pays, leur discours guerrier (celui de la guerre sociale, celui qui mobilise les troupes de l'aigreur, celui du tous contre tous, celui des "braves gens" contre les "parasites") que n'aurait pas renié Margaret Thatcher et consorts.
Ils ne rentreront pas.
Car, me semble-t-il, ils ont découvert quelque chose d'essentiel sur eux même et sur ce monde andin, minéral, qui contient tous les mondes. Ils abritent cette sagesse, là, et cette beauté qui n'a pas de prix.
Ces deux-là, c'est difficile, effectivement, de les faire rentrer dans des petits casiers en acajou. Mais à les caractériser, "on pourrait dire de lui, et de lui, qu'ils changeaint la vie" (...JJ Goldman, non, même pas?).
Ils sont: généreux. Vraiment, généreux.
Ils nous manquent, à tous les deux.
Putains d'ours.
La Ceja, rayon boucherie (Bolivie)
Joyeux bouchers, Boris Vian,encore
La Ceja, rayon Boucherie.
Parce qu'il n'y a pas que Tio Patrick pour donner ses bons plans barbak.
Pouvez pas rater: prenez la carriole brinquebalante Numéro 24, direction El Alto, depuis les ruines de l'ancien ministère de la planification et du développement social, qui a brûlé en février 2003. Ca monte sec. Normal, zêtes à La Paz, la capitale la plus haut-perchée du monde. Passez devant le "marché chino"(profitez en pour choper les dernières offres "spécial recel"; avec un peu de chance on récupère la super hi fi des voisins pour super pas cher). Puis on passe devant le marché couvert des feuilles de coca; puis le coin-trottoir des aiguiseurs de couteaux, puis celui des poissonières. On continue de monter, de plus en plus haut. On est même à 400O mètres au dessus des normes d'hygiène ISK 234-E exigées par la Commission Européenne. Ensuite, prendre la deuxième à gauche (toujours à gauche, c'est là que se joue le mouvement), après l'atelier textile clandestin qui travaille la laine des alpacas (lainage doux comme de la soie, qui a été légalisé au Pérou).
C'est là. La Ceja, rayon boucherie.
C'est la Bolivie d'Evo et d'avant, aussi.
mercredi 22 août 2007
Nichon, Teta et Weltanschauung
Dale Sean Paul, en espagnol man
Très satisfait de ton niveau, lecteur.
Le tournant de la rigueur a été vaillamment abordé.
Tes commentaires ont dépassé les expectatives, voire tout entendement.
Tu as donc bien mérité ta rasade de teta.
Nichons glânés, ça et là que je m'empresse d'archiver dans la nouvelle rubrique "Nichon" (en haut à droite), que je souhaiterais dédier au nouveau moine trappiste de Bogota, Tonio.
Chacun d'entre eux est porteur d'une Weltanschauung qui lui est propre.
C'est ça qui est bon.
dimanche 19 août 2007
Santa Maradona: Diego coupe au bol, le vrai, le nôtre
Etape 2: regardes avec attention les personnages déguisés.
Déja, des effluves d'Amérique. On est devant l'immeuble Pablo Neruda. De droite à gauche: on a un cow boy (ou un avenant sherif d'un bled du Nord mexicain, au choix), un indien (certainement un amazonien acculturé), un judoka (ou est-ce un amateur de capoeira?), un blessé (bon, rien à voir...), un guerrillero (vu les lunettes, je dirais un ersatz de Régis Debray dans le maquis bolivien), un gros singe (Amazonie encore).
Et puis, Diego, le vrai, le nôtre.
A gauche, c'est Patxi, déguisé en Philippe de Dieuleveult (l'animateur de la Chasse au trésor,la vraie, qui donna à tellement de gamins l'envie d'explorer, de se bouffer le monde). Avec cette idée d'accoutrement parfaitement débile, je me suis d'ailleurs fait sèchement aligner par la mère du gorille, qui me fit comprendre que je m'étais "pas foulé, côté déguisement" (étais-je responsable de ses heures passées à coudre et confectionner pour le fiston capricieux, poil après poil, ce déguisement spécial pour l'occasion?).
Etape 4: Comprenez-bien.
Ce Diego là était un caïd. Qui a goûté à Clairefontaine et humilié bien plus souvent qu'à sont tour certains des branleurs actuels de la Ligue 1 française.
Bim bam, il vous enrhumait son monde en un déhanché velouté, clc-clac, un passement de jambes redoutable, des roulettes à vous pendre, badaboum, des passes décisives et incisives.
Il faisait ses 3000 jongles sans problèmes. Narquois. Arrogant. la classe la plus totale. Les épaules, le dos, les genoux, les talons. Sans que la sphère ne touche stabilisé.
C'était le Diego du FCP.
Kassdédi.
Etape 4: Life is life.
Dansez donc avec l'autre Diego,
le cousin lointain du Flamboyant Diego à la coupe au bol et la crinière de oro.
Cherchez sur YOU TUBE la vidéo Life is Life de Diego. Ca vous démangera les giboles...
El Condor Pasa la frontera
Les bus. Evidemment.
Celui-ci a certes tous les attributs classiques du transport folklo-déjanto-rock n' roll que l'on est en droit d'attendre sur un trajet aussi prestigieux...Mais vous conviendrez qu'il a ce petit truc en plus. Un supplément d'âme, allez, n'ayons pas peur des mots.
D'un côté, les standards syndicaux minimaux sont également et prestement respectés: dévalement des pentes sinueuses sans se servir des freins, se servir des "freins" sans se servir des pédales de freins, musique à fond les ballons-cumbia, reggaeton ou flutes de paon, parfois en même temps, corne de brume surpuissante en guise de klaxon, tableau de bord psychédélique, halluciné, ou le regard se perd entre les injonctions braillardes à ne pas molarder, à ne pas hurler, à ne pas causer au chauffeur merci, les textes en relief boisé des prières à Saint Christophe et des nichons qui s'étalent, placardés les uns sur les autres (miracle d'un collage bien évidemment très réussi), des crucifix électriques et flashys qui vous font reconsidérer votre athésisme ou votre baptême, c'est selon, des autocollants tout aussi criards de Titi et gros minet, du lapin playboy, des guirlandes de Noêl qui chaloupent au gré des virages... Bon, tout y est, on est dans le classique.
Mais là, on a tout de même affaire à mon poulain favori: THE cruise of THE love...que de promesses de petits matins alanguis, tous ensemble...que d'espoirs de rencontres romantiques sur cette croisière internationale...mmh, Juliaca, Tiquina, ô, sympathiques escales...Et puis (dernière photo), même au milieu des bloqueos/barrages routiers de protestataires, extrêmement réguliers des deux côtés de la frontière, il passe en force. No soucy. A traves les champs de chunos (patates de l'altiplano), rien à foutre. Je fonce. Attitude du chauffeur, "kappuie sur l'champignon", tout à fait acclamée par la foule en délire.
QUESTION: est-ce qu'un jour The cruise of the love osera enfin recruter un barman afro-bolivien (il y en a 4000, surtout dans la région des Yungas, derrière la Cordillère- nous y reviendrons), un Capitaine bien "k'ara" aux dents élimés ainsi qu'un croupier blond délavé? Histoire que le touriste gringo s'y retrouve un peu...Love boat, is expecting you...
Bref, The cruise of the boat of the love, j'ai adoré. La Miss Madame aussi, d'ailleurs.
jeudi 16 août 2007
Les 5 soleils du Mexique
Peinture murale du Palais présidentiel, Mexique
Bon, c'est le tournant de la rigueur, 2ème phase.
Le premier fut nécessaire, tu en conviendras, toi, lecteur global.
Il faut se ressaisir. Et te recadrer, de temps en temps.
Ici on est pas chez mémé pour une aimable tea party. Ici, c'est pâté, Villageoise, chicha et réflexions de haute volée, pardi. Hors de question de se laisser aller à la démagogie éhontée du bloggeur lambda.
Trop de photos et d'explicit lyrics ces derniers temps sur ce site. Trop de mainstream. Trop de visites légères. Pas envie de me taper un lectorat qui cherche uniquement du nichon latino ici. Ou que sais-je encore. Bon. Voila. Tous privés de nichon. Aujourd'hui, une lecture essentielle, donc trop longue. Ce sera parfait. Ca vaut la peine, vaurien. Je veux une note de synthèse dans deux heures.
Les 5 soleils du Mexique par Carlos Fuentes. Le romancier mexicain trace ici la singulière destinée du peuple latino-américain. Il dit combien le désastre de la colonisation fut aussi le début d'un nouveau monde fertile. Il dit comment l'Amérique latine contient tous les mondes, et nous permet de mieux comprendre les dynamiques de notre époque. Il te donnera à comprendre, aussi, pourquoi Patxi est en transhumance ici, au fil de ces années. Ce texte a été prononcé par l'écrivain en français, à Paris, le 5 octobre, à l'occasion de la conférence inaugurale de la chaire d'études mexicaines Alfonso-Reyes. Mec, comment te dire, c'est énorme ça tu vois. Poderoso. Deux heures. Je veux rien entendre.
Les Cinq Soleils du Mexique, par Carlos FUENTES
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MUSICA
Au commencement, il n'y avait rien. Alors, pendant la nuit, les dieux se réunirent à Teotihuacán et créèrent l'humanité. Que la lumière soit, déclare la bible des Mayas, le Popol Vuh, qu'elle éclaire le Ciel et la Terre. Les dieux ne connaîtront la gloire que lorsque l'homme aura été créé.
Le visage du Mexique est celui de la création inachevée. Parce que la naissance du pays coïncide avec la création du monde, de l'homme et de la parole.
Le monde fut créé par deux dieux, racontent les mémoires vives du Yucatán : l'un nommé Cœur du Ciel, l'autre Cœur de la Terre. En se rencontrant, la Terre et le Ciel fertilisèrent toutes choses en les nommant. Ils nommèrent la Terre et la Terre fut. A mesure qu'elle était nommée, la création se diversifia et se multiplia. Nommées, les montagnes surgirent du fond des mers. Nommés, se formèrent magiquement les vallées, les nuages et les arbres. Et les dieux ont connu l'allégresse quand ils ont séparé les eaux et donné naissance aux animaux.
Mais rien de tout cela n'était doté de ce par quoi il avait été créé, c'est-à-dire la parole. Brume, tigre, pin, eau : muets.
Alors les dieux décidèrent de donner le jour aux seuls êtres capables de parler et de nommer toutes les choses créées par le verbe des dieux. Ainsi naquirent les hommes, afin que soit préservée jour après jour la création divine au moyen de ce qui fut à l'origine de la Terre, du Ciel et de tout ce qui s'y trouve : la parole. L'être humain et la parole sont ainsi devenus la gloire des dieux.
Il n'est nul mythe de la création qui ne contienne l'annonce de sa destruction. Parce que la création se déroule dans le temps, elle paie son existence en usure de temps. Et le temps, disait Platon, est l'éternité en mouvement. Les anciens Mexicains inscrivirent le temps de l'homme et de sa parole dans un succession de Soleils : cinq Soleils.
Le premier fut le Soleil d'Eau, qui périt noyé.
Le deuxième se nommait Soleil de Tigre et fut dévoré par une longue nuit obscure.
Le troisième, nommé Soleil de Feu, fut détruit par une pluie de flammes.
Le quatrième fut le Soleil de Vent; un ouragan l'emporta.
Le cinquième, croyaient les derniers Mexicains avant l'arrivée des Européens, est le nôtre. C'est sous son règne que nous vivons, mais lui aussi disparaîtra un jour, englouti, comme le furent les autres par l'eau, le tigre, le feu, le vent; lui le sera par un élément tout aussi redoutable : le mouvement. Le Cinquième Soleil, le dernier, porte avec lui ce terrible avertissement : le mouvement nous tuera.
Comment ne pas voir dans ces prophéties liées au mythe mexicain de la création un miroir de notre temps? Miroir où se reflète la persistante discordance entre les promesses de la vie et la certitude de la mort, entre la conscience éclairée, humaniste, scientifique, éthique, verbalisable et l'inconscience des pouvoirs, aveugles, qui mènent à la destruction, au silence, à la mort.
Les hommes qui possèdent le pouvoir - princes, prêtres, guerriers, scribes - l'exercent afin d'assurer au peuple que le temps durera, que le chaos naturel - feu, tigre, eau, vent - ne nous anéantira pas une nouvelle fois...
Regardons-nous dans ce miroir de l'antiquité mexicaine. Soyons attentifs, hier comme aujourd'hui, à l'instant où le verre se voile et cesse de refléter la vie; au moment où le miroir se rompt et annonce les années de malheur; malheur qui finit par s'abattre sur le monde indigène du Mexique.
Le dieu le plus célébré des anciennes cosmogonies mexicaines était Quetzalcoatl, le Serpent à plumes, dieu créateur de l'agriculture, de l'éducation, de la poésie, des arts et des métiers. Jaloux, les démons mineurs, menés par le dieu de la nuit, Tezcatlipoca, dont le nom signifie "miroir de fumée", se rendirent au palais de Quetzalcoatl pour lui offrir un cadeau enveloppé dans du coton. "Qu'est-ce que c'est?" se demanda le dieu bienfaiteur. C'était un miroir. Lorsque Quetzalcoatl défit le paquet, il vit pour la première fois son visage. Etant un dieu, il croyait qu'il n'avait pas de visage. Puisqu'il était éternel. En découvrant ses traits humains dans le reflet du verre, il fut saisi de crainte à l'idée d'être doté d'un destin également humain, c'est-à-dire historique, c'est-à-dire transitoire.
Cette nuit-là, il s'enivra et commit l'inceste avec sa sœur. Le lendemain, il quitta le Mexique sur un radeau de serpents et partit vers le Levant, promettant de revenir un jour pour voir si les hommes et les femmes s'étaient bien acquittés de leur tâche, à savoir préserver la Terre. Il promit de revenir à une date précise durant le Cinquième Soleil: l'année Ce Acatl, qui signifie "un roseau" et qui, dans les calendriers européens, correspond à l'an 1519 de l'ère chrétienne.
Et c'est précisément à cette date - le jour de Pâques de l'an 1519 - que le capitaine espagnol Hernán Cortés, à la tête de 508 hommes, 16 chevaux et 11 navires, débarqua sur la côte de Veracruz et se lança à la conquête du plus grand royaume indigène d'Amérique du Nord : l'empire aztèque gouverné par Moctezuma depuis la ville la plus peuplée - alors comme aujourd'hui - de l'hémisphère occidental, Mexico-Tenochtitlán.
Fondée par un peuple d'immigrants sur un lac où ils trouvèrent un aigle en train de dévorer un serpent, la cité des Aztèques s'appropria la promesse culturelle de Quetzalcoatl - la vie comme paix et création - mais en la liant à la promesse de Huitzilopochtli, le dieu de la guerre : une promesse d'expansion territoriale, de soumission des peuples les plus faibles, accompagnée d'exactions, de prélèvements de tributs et de la terreur des sacrifices humains.
Si naître peut constituer une blessure, car il faut pour ce faire quitter le ventre maternel, celle-ci est bientôt cicatrisée par le fait même de se trouver vivant, dans le monde. Mourir comme est mort l'univers des Aztèques est une blessure qui cicatrise difficilement, mais qui nous a obligés, nous les Mexicains, à construire quelque chose de nouveau, de différent et en même temps fidèle à nous-mêmes, avec le sang jailli de la terrible plaie infligée par les Espagnols au corps de la nation mexicaine.
Moctezuma, le Grand Tlatoani du Mexique, c'est-à-dire le Seigneur à la Grande Voix, Maître absolu de la Parole, est dépouillé de ses attributs par un Européen de la Renaissance, un Machiavel avant la lettre, Hernán Cortés, et une femme qui donne la langue indigène aux conquérants et la langue espagnole aux conquis: Marina, la Malinche, princesse esclave, traductrice, maîtresse de Cortés et mère symbolique du premier mestizo mexicain, du premier enfant de sang indien et européen mêlé.
Moctezuma hésite entre se soumettre à la fatalité des événements - le retour de Quetzalcoatl, au jour prévu par les prophéties - et combattre ces hommes blancs et barbus, montés sur des monstres à quatre pattes, armés de feu et de tonnerre. Cette hésitation lui coûte la vie: il n'est plus maître ni du temps ni de la parole. Son propre peuple le lapide. Cuauhtémoc, le dernier empereur, lutte pour la survie de la nation aztèque comme centre d'identification et d'adhésion des autres peuples du Mexique. Il est trop tard.
Cortés, en politicien machiavélique, a découvert la faiblesse secrète de l'empire aztèque : les peuples soumis à Moctezuma le haïssent. Ils s'unissent donc aux Espagnols pour combattre le despote centralisateur. Ils perdent la tyrannie aztèque, mais ils gagnent la tyrannie espagnole.
Ils gagnent cependant quelque chose de plus. Le sang de la conquête fait jaillir un pays nouveau, à la fois indien et européen; pas seulement espagnol, mais, à travers l'Espagne, méditerranéen, grec et romain, arabe et juif.
La prophétie s'est réalisée : le Cinquième Soleil a été détruit par le mouvement, le mythe par l'épopée, l'isolement par le transfert de cultures. Le premier Mexique, isolé dans ses montagnes, coupé de l'océan, fidèle aux mythes de ses ancêtres, va s'ouvrir au mouvement épique de l'univers en expansion, monde de découvertes et de migrations, de mercantilisme et de colonisation : le monde de la Renaissance. Soudain, les traditions qui constituent le Mexique se multiplient et se diversifient. Nous cessons d'être un centre d'exclusions pour devenir un centre d'inclusions. Le Cinquième Soleil s'est éteint dans le feu et la poudre à canon. La nation aztèque s'est effondrée.
Aussitôt, un nouveau soleil naissant, inachevé, se lève à l'horizon par où Quetzalcoatl est revenu. Les vieux pôles d'adhésion et d'identification disparaissent, de nouvelles alliances et de nouvelles identités s'établissent; une nouvelle ère a commencé pour le Mexique. Non plus seulement l'ère de la Conquête, mais celle de la Contre-Conquête. Car, pour chaque pique espagnole plantée dans le sol du Mexique, il y a une pique mexicaine plantée dans le sol de l'Espagne. Des Caraïbes à la Méditerranée, une double circulation s'établit.
Conquête et Contre-Conquête : les anciens dieux sont exilés, leurs temples anéantis, leurs sacrifices interdits. Le christianisme, lui, s'impose doublement, avec une force génétique, paternelle et maternelle. Par voie du Père, car la figure du Christ crucifié étonne et subjugue les Indiens : le nouveau Dieu ne demande pas que nous nous sacrifiions pour lui, c'est lui qui se sacrifie pour nous. Nous ne sommes pas les fils du conquérant, mais du rédempteur.
Par voie de la Mère, car le sentiment d'abandon qui suit la conquête est vite compensé par une opération politique et raciale étonnante : la Vierge Marie, la Mère de Dieu, apparaît au plus humble des paysans indigènes et lui offre des roses en plein hiver. C'est une vierge à la peau sombre, elle porte un nom arabe, elle devient la mère pleine de pureté du nouveau Mexicain : Santa María de Guadalupe. Nous cessons d'être les fils de la Malinche: notre mêre purifiée s'appelle Guadalupe.
L'art du baroque, qui dans l'Europe de la Réforme et de la Contre-Réforme sert de refuge aux sensualités prohibées, sauve le Mexique d'un abîme encore plus profond. Le baroque mexicain comble le vide entre la promesse utopique du Nouveau Monde imaginé par l'Europe - la politique de Thomas More - et la terrible réalité de la colonisation imposée par l'Europe - la politique de Machiavel. Entre More et Machiavel, Erasme de Rotterdam ouvre le champ de l'humanisme, la sereine folie où tout est relatif, tant la foi que la raison. Il n'est pas d'influence intellectuelle plus grande dans le monde hispanique que celle du sage de Rotterdam. Nous sommes donc, comme partie de l'Extrême Occident, les descendants de Thomas More, Niccolo Machiavelli et Desiderius Erasmus.
Le Baroque, nom d'une perle, c'est-à-dire d'une exagération, ouvre un espace dans lequel le peuple conquis peut représenter son ancienne foi en la masquant sous les formes et les couleurs, les unes et les autres fort abondantes, d'un autel couronné d'anges bruns et de diables blancs.
Le Baroque s'empresse de remplir les vides de notre histoire collective et individuelle après la Conquête avec tout ce qui lui tombe sous la main, argent et poussière, or et excrément. C'est l'art du Sixième Soleil, soleil sexuel du métissage, plexus solaire de l'émotion. Une nouvelle généalogie américaine s'est développée sons les auspices du baroque. Grâce à elle, les silencieux ont retrouvé la voix, les anonymes ont trouvé un nom : Indiens, métis et Noirs.
Toutes ces données font de nous, Hispano-Américains, les témoins de la terrifiante simultanéité de notre mort et de notre naissance. Nous avons tous devant les yeux de notre présent le spectacle de l'acte qui nous a engendrés. Eternels témoins de notre propre création, nous les descendants des Espagnols et des indigènes d'Amérique, nous savons que la Conquête fut un événement cruel, sanglant, criminel. Un événement catastrophique. Mais pas un événement stérile.
Nous sommes nés métis, d'emblée. Nous parlons l'espagnol, en majorité. Et que nous soyons croyants ou non, nous avons grandi dans la culture catholique, mais un catholicisme syncrétique, incompréhensible sans ses masques indiens, puis noirs. Nous sommes le visage d'un Occident mâtiné, comme l'a dit le poète mexicain Ramón López Velarde, de maure et d'aztèque - et, ajouterai-je pour ma part, de juif et d'africain, de romain et de grec.
Le fait est que nous ne sommes pas restés dans le désastre qui nous a fait naître. Dès le premier moment, nous nous sommes posé les questions de l'identité: "Qui sommes-nous? Quel est le nom de ce fleuve? Comment s'appelait, avant, cette montagne? Qui ont été nos pères et nos mères? Reconnaissons-nous nos frères? De quoi avons-nous mémoire? Que désirons-nous?"
Puis nous nous sommes posé les questions de la justice: "A qui appartiennent légitimement ces terres et leurs fruits? Pourquoi si peu ont-ils tant? Pourquoi tant ont-ils si peu?" De nous être formulé ces questions depuis le XVIe siècle fait de nous, les Mexicains - peut-être -, les plus anciens citoyens du XXIe siècle. Les questions de la fondation du Mexique métis sont les questions de la société migrante et contradictoire de notre époque, coincée entre l'identité traditionnelle et l'altérité modeme, le village local et le village global, l'interdépendance économique et l'indépendance politique. Le Mexique vit dans cette problématique si actuelle depuis cinq cents ans.
La révolution mexicaine fut une tentative - la plus importante de notre histoire - pour reconnaître la totalité culturelle du Mexique, convaincu qu'aucune de ses parties n'était sacrifiable. Les grandes chevauchées des hommes de Pancho Villa dans le Nord et des guérilleros d'Emiliano Zapata dans le Sud sont une revanche contre la mort du Cinquième Soleil qui tua dans son mouvement l'univers indigène. Le mouvement révolutionnaire de 1910 a fondé un nouveau soleil, le Soleil de la reconnaissance mutuelle, de l'acceptation de tout ce que nous avons été, de la valeur accordée à chacun des apports qui font du Mexique une nation multiculturelle dans un monde lui aussi de plus en plus varié et pluraliste.
Le temps révolutionnaire naît d'une nouvelle blessure : un million de morts en dix années de combats acharnés; une destruction de richesse incalculable... Bon nombre de ces blessures cicatrisent grâce à la réussite majeure de la révolution : le processus d'autoreconnaissance nationale, la découverte d'une continuité culturelle qui a survécu à tous les avatars de l'histoire, mais qui ne se reflète pas encore suffisamment dans l'histoire politique et économique du pays.
C'est dans la culture que la révolution s'incarne : pensée, peinture, littérature, musique, cinéma... Une révolution qui fait taire les voix de la création et de la critique est une révolution morte. La révolution mexicaine, avec tous ses défauts, n'a pas réduit ses artistes au silence : le Mexique a compris que la critique est un acte d'amour, le silence une condamnation à mort.
Nous sommes ce que nous sommes grâce à cette découverte de soi qui s'est produite pendant les années de la révolution. Grâce à la philosophie de José Vasconcelos, a la prose d'Alfonso Reyes, aux romans de Mariano Azuela, à la poésie d'Octavio Paz, à la musique de Carlos Chávez, à la peinture d'Orozco, Siqueiros, Tamayo, Diego Rivera et Frida Kahlo... Nous ne pourrons plus jamais cacher nos visages indigènes, métis, européens: tous sont les nôtres.
Le miroir de Quetzalcoatl s'est empli de visages : les nôtres. Mais le temps de la révolution établit aussi et indubitablement un accord tacite. Lequel dit, en substance : organisons le pays dévasté par l'anarchie et la guerre. Créons des institutions, créons des richesses, créons le progrès, l'éducation, la santé, et un minimum de justice sociale.
Par ailleurs, en bons scolastiques, préservons l'unité, contre la réaction interne, contre les pressions nord-américaines, afin d'atteindre les objectifs de la révolution : réalisons le bien commun thomiste au moyen de la hiérarchie augustinienne. Les fidèles - entendez : les citoyens - ne peuvent connaître la grâce divine - entendez: la démocratie - par leurs seuls moyens. Voici le pacte : stabilité et progrès, mais sans démocratie et pluralisme. Pourquoi?
Pour nous épargner les dictatures militaires, les trop longs séjours au pouvoir, tous ces facteurs du déséquilibre latino-américain. L'armée respecte les institutions, la présidence aussi : tout le pouvoir à César, mais pour six ans seulement, jamais plus; pas de réélection, comme l'a demandé Madero au début de la révolution en 1910.
Mais Madero demandait aussi le "suffrage effectif". Et ce vote plein et entier, transparent, crédible, nous ne l'avions pas eu pendant soixante-dix ans. Nous avons lutté pour l'obtenir : aujourd'hui, c'est une réalité. Que s'est-il passé? La révolution, par sa politique de santé, d'éducation et de développement national, a suscité de nouvelles classes moyennes, jeunes, laborieuses, et une nouvelle classe ouvrière industrielle. Plusieurs générations de Mexicains ont été élevées dans les idéaux de la justice, de liberté, de progrès, de démocratie. Finalement, les enfants de la révolution ont demandé les derniers fruits de la révolution : développement économique avec démocratie politique et avec justice sociale.
Ils ne sont pas les seuls. Toute l'Amérique latine réclame l'union de ces trois facteurs - démocratie, développement et justice - sans ajournements byzantins, sans sophismes intolérables : démocratie, développement et justice. Ce n'est qu'ainsi que notre grande culture ininterrompue donnera vigueur et stabilité à nos systèmes politiques.
En l'an crucial 1968, la jeunesse mexicaine a exigé démocratie et justice à un appareil officiel devenu sourd, imbu de soi et implacable dans sa réponse autoritaire. N'étions-nous pas en train de vivre le "miracle mexicain"? Que voulaient-ils ces étourdis imberbes, lecteurs des philosophes de la destruction, agissant sous l'emprise de Marcuse et de l'exotique mois de mai parisien? Le massacre du 2 octobre 1968 à Tlatelolco, place des Trois-Cultures, a marqué le commencement de la fin pour le système du Parti révolutionnaire institutionnel.
Le Mexique a commencé sa renaissance politique, son aggiornamento, au prix de trois cents, de cinq cents jeunes cadavres - un seul aurait suffi - et avec un double mouvement, il faut le reconnaître, de bas en haut et de haut en bas. Aujourd'hui, trente ans après Tlatelolco, nous avons une politique pluraliste: 53% des citoyens sont gouvernés par les partis d'opposition, aussi bien de gauche (Parti de la révolution démocratique) que de droite (Parti d'action nationale). Et, tandis que la liberté critique s'épanouit dans les moyens de communication, c'est encore l'opposition qui détient la majorité à la Chambre des députés.
En l'an 2000, nous aurons d'ailleurs un scrutin présidentiel qui, pour la première fois, pourrait ouvrir la voie à un candidat issu de ses rangs. D'autant, plus que, désormais, les institutions électorales sont crédibles et le vote respecté. C'est un long parcours, depuis l'empire de Moctezuma, l'empire colonial espagnol, la fausse république des tyrans ou la république héréditaire émanant de la Révolution. Et, pourtant, les problèmes sont là.
La révolte indienne au Chiapas, en janvier 1994, a été un avertissement : les oubliés - les dix millions de Mexicains qui appartiennent aux cultures ancestrales du pays - ont demandé à se faire entendre. Ils ont posé un problème profond : comment assurer les bienfaits essentiels du progrès - santé, éducation, logement - sans sacrifier les traditions communautaires séculaires qui, chez les Indiens, sont le ciment et le sens de leur appartenance, de leur identité?
Il faut dire que nous partageons, avec toute l'Amérique latine, d'énormes problèmes d'injustice sociale, de pauvreté et d'inégalité. Nous sommes quatre cent cinquante millions de Latino-Américains. La moitié d'entre nous - c'est-à-dire deux cents millions de personnes - vit, ou plutôt survit, avec 90 dollars ou moins par mois. La moitié de nos populations est âgéede dix-huit ans ou moins.
Selon le Parti social-démocrate suédois, un investissement de 9 milliards de dollars parviendrait à couvrir les besoins élémentaires éducatifs des pays en développement. Or la consommation de cosmétiques aux Etats-Unis est, précisément, de 9 milliards de dollars par an. Ce monde-ci est-il tolérable? Les besoins fondamentaux d'eau, de nourriture et de santé des pays pauvres pourraient se résoudre avec un investissement initial de 13 milliards de dollars. Or la consommation de glaces en Europe s'élève, précisément, à 13 milliards de dollars par an. Ce monde-ci est-il tolérable?
Les injustices et les inégalités qui persistent au Mexique et en Amérique latine s'inscrivent dans le processus de mondialisation dont le double visage est semblable à Janus. La facette positive comprend le progrès technologique époustouflant, la rapidité des communications, l'universalité de l'information, l'impossibilité d'occulter, comme dans le passé, les abus des tyrans locaux et, surtout, les enjambées gigantesques qui nous acheminent, d'une part, vers la consécration des droits de l'homme en tant que fait universel, et, d'autre part, vers le caractère absolument imprescriptible des crimes contre l'humanité.
Mais la facette négative saute, elle aussi, aux yeux : la distance qui sépare ceux qui sont à la pointe du progrès technologique de ceux qui sont à la traîne peut s'avérer infranchissable et faire des laissés-pour-compte des exclus de la course. L'information est, certes, abondante. Est-elle, pour autant, bonne et suffisante? Sommes-nous bien informés ou, au contraire, trop et mal informés?
Les capitaux circulent avec une rapidité vertigineuse. Mais la majorité d'entre eux, au moins 80%, sont des capitaux spéculatifs et seulement 20% sont productifs. Aussi un gouffre croissant s'ouvre-t-il entre le premier et le tiers monde et, à l'intérieur de chacun de ces sous-ensembles, entre ceux, minoritaires, qui possèdent beaucoup et ceux, majoritaires, qui possèdent três peu ou rien. C'est le darwinisme global.
Or tout cela surgit dans une réalité qui n'a pas encore trouvé son cadre juridique, sa légalité. Dans le nouvel ordre mondial, Etat, nation, souveraineté, non-ingérence, droit international sont des notions en crise. Les empires s'écroulent, les nations se divisent, le droit du plus fort s'impose et, bien au-dessus des vieilles structures en crise, un nouveau pouvoir sans juridiction parcourt le monde: je pense ici au narcotrafic. Celui-ci est d'ailleurs renfloué par la consommation du premier monde, qui attise la production du tiers monde, lequel est à son tour accusé d'être à la source du problème et se voit infliger une punition: la certification de certificateurs non certifiés. Alors, comment répondre au Mexique, en Amérique latine, que le cosmos qui peut devenir chaos est bien là et qu'il ne va pas s'évanouir?
Les injustices et les inégalités qui persistent au Mexique et en Amérique latine s'inscrivent dans le processus de mondialisation dont le double visage est semblable à Janus. La facette positive comprend le progrès technologique époustouflant, la rapidité des communications, l'universalité de l'information, l'impossibilité d'occulter, comme dans le passé, les abus des tyrans locaux et, surtout, les enjambées gigantesques qui nous acheminent, d'une part, vers la consécration des droits de l'homme en tant que fait universel, et, d'autre part, vers le caractère absolument imprescriptible des crimes contre l'humanité.
Je crois qu'il n'y a pas de gouvernance globale qui ne se fonde sur la gouvernance locale. Les problèmes globaux ont des solutions locales. Au Mexique, il nous faut combattre la corruption, abattre la criminalité, protéger l'environnement mais, surtout, profiter de notre immense capital humain qui est là, qui attend, qui émigre aux Etats-Unis, mais qui pourrait rester pour organiser la vie démocratique et productive. Pour mettre en place des programmes de santé, des voies de communication, des zones écologiques pour la protection des forêts. Qui pourrait inventer des mécanismes d'épargne ou encore de crédit. Créer des petites et moyennes entreprises. Apprendre ou enseigner. Car, sans l'éducation, tous les autres projets - politiques, sociaux et économiques - seront voués à s'effondrer. Tout cela requiert un cadre démocratique, porteur d'un équilibre entre l'Etat, le secteur privé et la société civile. Le Mexique et l'Amérique latine ont créé, contre l'anarchie du XIXe siècle, des Etats nationaux viables. Ils sont devenus, dans la seconde moitié du XXe, trop grands, pas forts mais grands, et même enflés.
Les politiques d'amaigrissement de l'Etat ont une limite : l'Etat, un Etat fort, est plus nécessaire que jamais au Mexique et en Amérique latine, pas en tant qu'Etat propriétaire, mais en tant qu'Etat régulateur et normatif. Les agents économiques du secteur privé n'ont pas encore, chez nous, la force nécessaire pour se passer de l'Etat. Mais l'Etat non plus ne peut se passer d'un secteur privé entreprenant, qui sache occuper les espaces que l'Etat ne doit et ne peut pas accaparer. Tout cela dans les limites qu'impose le contrat social.
Le troisième facteur est, bien sûr, la société civile, avec ses syndicats, ses coopératives agraires, ses associations féminines ou de quartier, avec son respect des préférences sexuelles et du droit des personnes âgées.
Le Mexique partage une dramatique frontière commune avec les Etats-Unis d'Amérique. Trois mille kilomètres de long, du Pacifique au golfe du Mexique. La seule frontière tangible entre une nation hautement développée et une nation en voie de développement. La frontière la plus active du monde: cent millions de personnes la franchissent dans les deux sens chaque annéc. Une frontière économique : le Mexique est le deuxième client mondial des Etats-Unis, les Etats-Unis sont le premier marché pour les exportations mexicaines.
Une frontière qui constitue un défi : cinq mille sans-papiers par jour, travailleurs mexicains réclamés par le marché nord-américain, traversent chaque jour la frontière. Les mandats qu'ils envoient au Mexique représentent déjà notre deuxième source de devises.
Frontière poreuse : non seulement produits et main-d'œuvre la franchissent à tout instant, mais aussi des idées, des coutumes, des informations. Frontière culturelle: la culture anglo-américaine influence le Mexique tant au niveau supérieur de ses grands créateurs (cinéma, littérature, musique) qu'au niveau commercial le plus superficiel et le plus détestable. La culture mexicaine influence les Etats-Unis à des niveaux plus profonds : famille, morale, religion, solidarité, cuisine, imagination artistique, langue... Trente millions de personnes parlent l'espagnol aux Etats-Unis. Combien sommes-nous au Mexique à parler l'anglais? Très peu.
Et il ne faut pas oublier que le travailleur mexicain en Californie, en Arizona ou au Texas se retrouve en fait sur une terre qui fut la sienne, jusqu'en 1848, qui fit partie de la république du Mexique et, avant encore, de l'empire espagnol.
Un nouveau soleil, donc, semble naître, après la fin de la guerre froide, à l'horizon du Mexique et du monde. La guerre froide terminée, les Latino-Américains veulent nouer des relations de plus en plus étroites avec le reste du monde.
Il y a cinq cents ans, le Vieux et le Nouveau Monde se sont rencontrés dans ce Mare Nostrum qu'est la mer des Caraïbes, notre Méditerranée. Et, de même que la Méditerranée fut un lieu de rencontre des cultures, dans les Caraïbes, nous avons fondé une civilisation d'ascendance indigène, africaine et européenne, qui parle le français, le néerlandais, l'anglais, l'espagnol, le portugais et de nombreux autres idiomes nés sur les navires d'esclaves et dans les plantations.
A l'avenir, nos relations avec l'Europe auront l'amplitude que les Européens voudront bien leur donner. Nous savons que nous ne sommes pas à la tête de vos priorités. Mais l''Europe ne sera jamais l'Europe sans cette partie du monde qui ressemble le plus à l'Europe : le nouveau monde des Amériques.
Des deux côtés de l'Atlantique, nous sommes responsables d'une certaine idée de l'Europe hors de l'Europe. Nous faisons partie du meilleur que l'Europe a promis au reste du monde. Et nous serions tous aussi coupables si l'Europe permettait une nouvelle fois que l'humanité, la sienne comme la nôtre, se trouve dégradée par des politiques basées sur la peur de l'autre.
Apprenons à vivre avec ceux et celles qui ne sont pas comme toi et moi. Tel sera sans doute le défi le plus sérieux du prochain siècle. Nous serons tous - individus, nations - de plus en plus importants les uns pour les autres. Cependant, nous ne serons efficaces sur le plan international que si nous nous montrons responsables sur le plan national. Il revient à chacun de mettre de l'ordre dans sa propre maison. Jamais dans son histoire...
Le monde change. Jamais l'Amérique latine n'a connu une telle prépondérance de systèmes démocratiques. Mais, même si la démocratie s'affirme dans les scrutins, dans les parlements, dans la liberté d'expression, et dans les contre-pouvoirs qui soumettent le pouvoir exécutif à leur surveillance - toutes choses essentielles et souhaitables -, il lui reste à s'affirmer par la justice sociale, par le bien-être de la société.
Si la démocratie politique reste sans traduction concrète pour l'individu et ses proches, alors la tentation autoritaire - notre plus vieille tradition politique - peut refaire surface, tel un fantôme mensonger qui nous dit: "Moi, l'homme fort, je peux vous donner le bonheur. Ayez confiance en moi." Cela est évidemment faux. Le bonheur, s'il existe, nous ne le trouverons qu'en unissant le meilleur de nous-êmes, le plus précieux de notre accomplissement - notre culture multiséculaire -, à ce qui demeure inachevé : une communauté politiquement démocratique, économiquement productive et juste, socialement parlant.
Le Mexique et l'Amérique latine ont une culture ininterrompue, millénaire, depuis les anciennes civilisations mayas, aztèques et quechua, jusqu'aux manifestations les plus modernes de l'art, de la musique, de la littérature, de l'architecture et de la pensée. C'est une culture résolument tournée vers l'avenir, puisque son origine est migratoire. Elle est placée sous le signe de la rencontre et tire sa force du métissage. Ainsi, nous sommes le miroir du XXIe siècle. Son présage. Nous ne nions pas l'immensité des problèmes, mais la grande culture du Mexique, l'immense énergie de mon pays, répond par la voix de l'imagination, de la diversité raciale, du pluralisme culturel, de la vocation internationale et de la volonté de création.
Voyez dans cette histoire l'ensemble des visages d'un monde inachevé, d'une histoire encore à faire, d'une création qui ne se repose jamais car elle n'a pas encore terminé sa tâche. Voyez dans le Mexique un exemple suprême de la vitalité de l'histoire : le passé est présent. Il n'y aura pas de futur vivant avec un passé mort. N'ayons pas peur des contacts entre les cultures. Isolées, elles meurent; seules les cultures en communication avec d'autres cultures restent en vie. Si nous ne reconnaissons pas notre humanité dans les autres, nous ne la reconnaîtrons jamais en nous-êmes.
Un nouveau soleil se lève; il attend de nous qu'au nom de toutes les cultures, au nom des valeurs, nous préservions la valeur suprême : la continuité de la vie.
Carlos Fuentes
28 octobre 1999
lundi 13 août 2007
Ragga Rabbin
Plus ancienne synagogue d'Amérique - ARUBA, antilles hollandaises
Présence Juive à BOGOTA
Matisyahu, la Rabbin Ragga bondissant, te suena?
J'en place une pour Arabel M.G la Chilanga, là bas, en "Terre Sainte" comme ils disent. Elle qui connait sur le bout de ses doigts tout fins la Bible, le Talmud comme le Coran comme le Cioran.
Puissent ces apprentissages et cheminements spirituels te servir, en cette épreuve.
Moi, tricard laïcard, je n'ai que cette modeste chanson à t'offrir et ce recordatorio: n'oublies pas, que même les rabbins, en Amérique, peuvent faire des ragga bonds. Que même ce qui te parait sans issue, sec et austère, peut tout à coup se transmuter en un grand magma funkedelik.
Tu es plus forte que tous ces médiocres fanatiques pseudos-religieux, guey.
Mas fuerte que eso.
Un abrazo de tu amigo Patxi, el swinging enano.
dimanche 12 août 2007
Enfances
Au ptit bonheur
On ne renie pas son enfance.
On l'enfouit, là, quelque part,
au fond de son coeur.
Et l'ombre portée, l'ombre magique est là,
qui nous invite parfois à la sortir de sa cachette.
Kassdédi aux grands enfants de la cour de récré qui sont, heureusement, restés les mêmes, rieurs et cabotins.
Car comme le disait joliment Mister D., les enfants commencent tous par la métaphysique, les adolescents continuent dans la morale, et nous les adultes, nous finissons dans la logique et la comptabilité.
L'Amérique latine grouille de gamins.
Ca vous met une patate...
Même si le combat pour la survie de nombre d'entre eux est toujours un crève coeur.
L’homme n’est jamais plus près de se connaître qu’au moment de se reconnaître dans un enfant ; lorsqu’il plonge le regard dans cette eau limpide. Elle lui renvoie une image de lui qui ne le frappe nulle part ailleurs avec une telle intensité. Devant l’enfant, l’homme cesse un instant d’être le matamore avantageux qui édicte sa loi à l’univers, pour revenir à une humilité qui le rend à sa propre évidence. Devant l’enfant, l’homme a l’occasion de reconnaître qu’il n’est jamais lui-même qu'un enfant.
Christian CHABANIS
samedi 11 août 2007
El Baywatch de Joséfina
Trinidad y Tobago
Trinidad Baywatch
Curazao, antilles hollandaises Baywatch
Choroni, Venezuelan Baywatch
Dans la rubrique "on s'en fout", aujourd'hui, Baywatch.
BAYWATCH, c'est de l'universel.
Diffusion aux confins de la planète.
Je l'ai vu doublé en Tchèque et en Gaëlique (ma parole).
C'était le dimanche, après Jacques Martin.
Mircea Eliade aurait eu beaucoup à gloser sur ce phénomène global, pétri de mythologie.
Bon, le concept d'Alerte à Malibu, las guardiens de la baie de Californie:
Plouf, on coule.
Bon, à partir de là, sauvetage, sauvetage, nichons, helium, hélicos, hors bord, body board, Mitch et Pamela, Summer Quin qui court, sauvetage, méchants non caucasiens à moustache, sauvetage, nichons, hélium, sauvetage.
Bouche à bouche. Remerciements.
Puis Big Party Pop au bord de la piscine. You hou!
En Amérique latine, los Guardianes de la Bahía que ça s'appelle, Baywatch. Pareil:
Plouf, on coule.
Bon à partir de là, hein, radeau.
Pour ramener le corps.
Et Josefina de toucher l'assurance.
Puis Reggae au bord de la plage. Yeah man!
Bon ça, c'est fait aussi. Coché.
vendredi 10 août 2007
Hugo Chavez sur le divan
Une admiratrice du Président. 2 mains pour 2x5 millions de voix, signe de ralliement des chavistes.
Allez, CAKE dans ta FACE!
Ana s’en grille une petite. Une Gitane, blonde. Elle fait partie de ces portenos francophiles, qui évoquent Sartre, Foucauld et Deleuze avec une jubilation toute familière et cette espèce de classe, là, qui vous mord le coeur.
Un vrai et délicieux cliché.
Psychanalyste argentine de renom et qui le sait (une diva quoi, mais tellement brillante et attachante qu’on lui pardonne absolument tout), de visite à Paris, cette cinquantenaire (que je n’aurais pas rechigné à culbuter, si je l’eusse connu, en ce temps, à l’orée de sa jeunesse...rââ lovely...) me demande ce que je pense du Président de la République Bolivarienne. Question inévitable en ce moment. Car "tout le monde en parle", car il est l'une des énigmes centrales de notre temps. Et puis, pourquoi le cacher, parce qu'elle sait qu'après ce qu'il s'est passé il y a quelques années là bas, j'ai gardé mes bonnes sources d'information. Elle ne sait pas que j'ai même eu l'occasion d'approcher de près cet animal politique...
Je l’ai regardé, pensif, ai grommelé un « bof… », poussif.
Devant mon manque d’entrain, elle, qui se dit « révolutionnaire », qui a traversé de plein pied l’Histoire, celle des dictatures du Cône Sud, elle qui bataillé toute sa vie avec grâce et caractère, lâche alors cette phrase, sibylline : « De toutes façons, un président qui déclenche de telles passions, qu’elles soient fanatiquement pour ou hystériquement contre, est foncièrement dangereux ».
Je n’ai rien dit. Je l’ai juste écouté. Parfois, il faut juste écouter et taire ce que l’on croit penser, surtout face à des vrais sages, de cete trempe là.
Si son alter ego imaginaire, demain, me demande à nouveau, à moi, Petitou Patxi, je lui tiendrais à peu près ce langage.
Alors, oui, avec le Venezuela d’Hugo Chavez, on n’est plus dans la science politique de Papa là, ma petite Ana. On est dans le baroque absolu, sui generis, qui ne ressemble en rien à tout ce que ce continent a pu produire de leaders nationaux.
C’est que ce processus réussit des miracles, en combinant un formidable élan populaire avec une inefficacité des plus effroyables. L’espoir, merveilleux, qui s’accompagne de niveaux de gâchis et de corruption stratosphériques.
Plus dure sera la déception du peuple.
Saoûlés qu'ils seront des mille et une promesses de lendemains qui chantent. Usés qu' ils seront de l'attitude de leur nouvelle nomenklatura qui les manipule, elle qui fonce en 4x4 surpuissant, aux vitres teintées ne trompant plus personne, cachant leurs visages hilares derrière de gros stickers prônant l'homme nouveau du socialisme bolivarien.
En tout cas, je ne connais pas d’autres précédents historiques d’un gouvernement dit « progressiste » (et qui l’est, clairement, de moins en moins si jamais il ne le fut, d'ailleurs...) dans la région qui dispose de tels revenus financiers, d’un tel Trésor de la Nation, d’un tel budget, sans aucun contrôle parlementaire, pour mener à bien toutes les réformes nécessaires dans ce pays qui n’est ni caribéen, ni andin, ni sud-américain, mais qui est, avant tout, un pétro-pais.
Bilan.
Le bon, le mauvais.
Lo bueno, lo malo, lo feo de Chavez et de son processus bolivarien
Le correct voire bien:
Le goût retrouvé de l’espoir d’une vie meilleure, mois pénible, formidable espoir, d’un changement de la donne.
La possibilité d’une vie plus digne, pour certaines franges de la population, l’envie d’apprendre et de s’émanciper, de la part des majorités silencieuses du pays. La rupture avec l’entre-soit qui caractérisait le pays sous la IV ème république.
La démocratisation et le relatif décloisonnement de certains espaces publics, culturels, politiques, économiques, universitaires.
Avoir créé et accompagner les conditions d’une vraie rupture historique, qui était nécessaire, par la voie électorale et civile, pour éviter la violence généralisée type émeutes pré-insurrectionnelles très mortelles, du style Caracazo de 1989 (des milliers de morts). Avoir canalisé les impatiences populaires dans un processus politico-électoral.
Les missions sociales (bien que peu sostenibles, n’ayant pas réussi à créer les conditions de leur perduration dans le temps), les infrastructures - projets d’intégration ferroviaire en cours, les trains, les ponts, les voies de transport, les métros (même s’ils ont été sur-tarifés), la Mission Mercal- l’alimentation subventionnée, Barrio Adentro I, II et III- les missions de santé dans le pays, dans les quartiers démographiquement majoritaires qui n’avaient jamais vu de médecins de leur vie venir à eux, l’augmentation du salaire minimum qui devient un des plus élevés d’Amérique latine, l’augmentation et le paiement réel des retraites des petits vieux- pour la première fois dans l’histoire du pays, les bourses éducatives notamment pour les plus modestes, la stimulation du sport, l’équipement de certains hôpitaux, la réfaction de certaines écoles, l’aide humanitaire d’urgence lors de désastres naturels dans des pays de la région, le Seniat et son extraordinaire politique fiscale qui a récupéré des millions de dollars chez des élites habitués à la fraude et à l’évasion (même si sur le parking de son siège, il y a tout de même beaucoup de voitures de luxe et utres HUMMERs…), et surtout, la récupération de l’argent du pétrole, la fin du hold up permanent, la fin de la primauté absolue des intérêts étrangers, la baisse de la TVA, la régulation des prix pour la viande et les poissons, malgré ses effets pervers.
Lo malo :
Le populisme, que Tonton Patrick a finement résumé à une alliance de Bucaram (néo-populiste d'Equateur) et du général Boulanger (France de la IIIème).
L’incitation à la haine sociale, qui, pour en avoir été un de ses thuriféraires pendant quelques mois d’existence, ne mène jamais à rien de très sain. L'insécurité qui atteint des records mondiaux, les taux records d'homicides pour rien, et la dénégation totale du problème au plus haut niveau,
Le manque de préparation d’une bonne partie du personnel politique et des missions et leur désignation a dedo, de façon arbitraire et népotique. Un grand numéro de personnes incompétentes, nationales comme étrangères, comme facilitadores, consultants, chargés de mission, formateurs et animateurs très peu formés,
Des travaux inaugurés de façon partielle ou inconclue, souvent à des fins politiciennes et de campagne politicienne,
L’inflation, record dans la région, officiellement de 17 % mais qui atteint les 30% pour les biens de première nécessité,
Le pouvoir d’achat alimentaire qui se réduit comme peau de chagrin, combiné avec des problèmes structurels de production,
Barrio adentro I, II et III avec du personnel cubain, très peu de vénézueliens et surtout aucune formation locale,
Les salaires très bas des professionnels, techniciens et employés de l’administration publique,ce qui incite à taper dans la boiboite,
Les menaces ou intimidations aux journalistes et moyens de communication, la pression sur les chaînes de télé qui souvent le méritent bien, l’autocensure,
Les hôpitaux généraux qui s’écroulent et manquent d’équipements,
Le grand échec de la construction d’habitations,
Une assemblé nationale pleine de chavistes, à 100% (l’opposition a refusé de se présenter, donc ça n’a pas aidé),
La corruption, inédite quand le baril est à 65 dollars US,
La politique extérieure, erratique, faite d’à coups tous plus impulsifs les uns que les autres,
Les alliances stratégiques impardonnables avec le régime des mollahs iraniens ulatraconservateurs, avec le dernier dictateur d’Europe en Bielorussie, les sympathies pour des Mugabe, la fascination toute névrotique pour Castro,
Et puis les…
Ana se grille une autre clope. Elle va repartir bien vite.
C'est une évidence: il est temps de causer d'autre chose. De la neige à San Telmo, du maté, du calafate, ou des jupes rouges-rojitas de Christina de K…
Car elle en parle mieux que moi, de Chavez, quand elle le met sur le divan...
mercredi 8 août 2007
Larmes paysannes
Cotopaxi, ECUADOR.
Non au TLC.
Tratado de Libre Comercio.
Traité de Libre Echange.
Tiempo de Lagrimas campesinas.
Je répète.
Non au TLC.
Temps de Larmes Paysannes.
Tratado de Ladrones Corruptos.
Traité de Voleurs Corompus.
Non au TLC.
Voir, ces mains caleuses.
Sentir, comment la terre, la Pachamama, comme le petit bétail, font partie intégrante de la famille, de soi, de son imaginaire, de sa vie.
Et l'époque, qui s'abat sur vous, sur votre famille, sur votre communauté d'attache, sur vos rêves.
L'époque de la dépossession.
La révolution néolibérale (car elle portait ce nom), féroce réalité pour le monde paysan, dans cette région du monde, comme ailleurs, au Sud.
Pas dans la Beauce ni l'Oklahoma, pas dans la Brie ni l'Ohio, non, merci, ça va pour nos camarades céréaliers subventionnés jusqu'au dégoût, ça va pour eux. Merci. Un autre sigle trinitéen leur a prêté bonheur, pas le T.L.C, non, la P.A.C. ou l'U.S.D.A.
Comprendre la chute immédiate de la valeur, les asymétries, absurdités compétitives, le déracinement, l'exode rural, l'acculturation, la favelha, le barrio ou le bidonville de la mégapole latino.
L'effondrement des prix de produits agricoles de base que l'on spécule sur des marchés financiers, loin, bien loin de Cotopaxi. L'absence d'alternatives.
Des fois on se dit que c'est plus compliqué que ça.
Et puis, ces graffitis nous rappellent à la raison raisonnable.
Tiempo de Lagrimas Campesinas.
samedi 4 août 2007
Colombie : quand paramilitaires et multinationales jouent à fricotti-fricotta
Un tableau de Botero (photo prise dans le musée éponyme de Bogota).
SPOOK AND THE GUAY (des bons toulousains, cong) - El siglo de oro del asesino
La Colombie est LE pays de la violence politique, battant tous les records de la région depuis son indépendance même.
Il y a tellement à dire. Ce conflit armé interne est un tel merdier.
En Colombie plus que dans tout autre pays d'Amérique latine, la guerre et la politique ont entretenu, parfois en alternance, des liens de subordination mutuelle qui ont accompagné et conditionné la formation de la nation colombienne.
Telle est l’analyse, entre autres, de l'historien Sanchez Gonzalo (Guerre et politique en Colombie - L'Harmattan - 1998).
C'est dire si face à cette "tradition nationale" de violence politique extrême, des réformes structurelles profondes sont attendus, et pas forcément les mesures cosmético-médiatiques circonstanciées de la foire uribista actuelle. Mais bon, en même temps, à part le Maire de Bogota, les alternatives réalistes au Presidente Paraco sont pas non plus légion pour arriver à des accords de paix durables.
Cette relation conflictuelle et ambiguë qui jalonne l'histoire colombienne depuis les guerres civiles du XIXème siècle jusqu'aux différents types et scénarios de conflits actuels, en passant par la période dite de la Violence (300 000 morts entre conservateurs et libéraux de 1948 à 1956 tout de même, un record pour une guerre civile dans la région) puis celle du Frente Nacional et de l'émergence des différentes guérillas, ELN, EPL, FARC-EP, M19, constituent les racines profondes d'une violence généralisée (souvent déconcertante pour les observateurs étrangers) qui continue de ravager le "pays réel" ces toutes dernières années.
Allez donc voir Tonio qui se révèlera plutôt disert sur le sujet cette semaine.
Le conflit ne se limite pas à Ingrid et aux 50 otages (il y a au passage près de 2800 secuestrados aux mains des groupes irréguliers).
En terme d'atrocités, on est servis. Entre le cannibalisme des paramilitaires (et oui...on boit du sang des victimes, on en mange des petits bouts, comme en RDC ou au Liberia), les bombes de gaz en cylindre signées Farc, qui tuent sans discrimination des dizaines de civils au nom d'un meilleur monde, les justifications lamentables de Granda, la torture systématisée, les recrutements forcés de fillettes et la dispersion aveugle de mines dans les champs de la part de l'ELN, pendant que ces joyeux guévaristes causent parallèlement à Cuba de "paix" avec les autorités colombiennes au nom de la justice sociale et des enfants pauvres, pour la 5ème fois de leur histoire, les 32 000 cadavres de paysans dans des fosses communes, massacrés par les paracos pour être soit disant la "base sociale" des guerrillas, des "rouges" ou des "sapos", les scandales de la para-politique et les 11 Généraux et gradés de l'Armée qui vendent de l'information stratégique aux narcos et aux FARC (scandale de la semaine)...Il en a de quoi faire, d'autres chansons, un brin moins cuculs, le Renaud.
L'élite politique colombienne comme ses opposants en armes sont à gerber.
Ca me rendrait même les riches familles du nord mexicain ou des banlieux cossues de Sao Paolo sympathiques, c'est dire.
Participant de cet imbroglio interne, les entreprises multinationales ont également un effet structurant très net dans la plupart des zones régionales du conflit, à Antioquia comme dans le Choco, dans le Putumayo comme l'Arauca, de façon directe ou indirecte, en protégeant à tout prix leurs intérets financiers et leurs retours sur investissement. Quelque soit le prix à payer.
C'est qu'ils sont consciencieux ces gentlemen. Ils se soucient de leur clientèle, qui exige de la qualité et des bons prix. Parce qu'on le vaut bien...
Leur camelote arrive dans nos assiettes. Et parfois, elle devrait nous laisser un goût amer.
Un goût de plomb, de sang, de banane.
Et d'impunité.
INTERLUDE: Vu que mes petites saillies anti-gauchistes sur les touristes politiques ont été reprises, non sans veulerie, par des blogs de glandus et autres neuneus de droite, il est temps de remettre certaines pendules à l'heure et de faire un bonne purge proto-stalinienne de rééquilibrage, aujourd'hui: ne te méprends point. Ici, c'est chez Patxi. O sea, si le da la ganas, Patxi mon alter ego te mord sur ta droite, gerbe sur la culture Pop-Skyblog de ta foire au pognon, conchie tes valeurs actuelles "cools" et "décomplexées". Patxi sent le pâté bien gras et la vinasse villageoise, vale?
Les pays d'amérique latine, certes, parfois de facon incohérente, s'intègrent et s'organisent peu à peu, fatigués d'être bien souvent pillés et non pas "mis en valeur" par les intérets des boites de l'UE et des Istadosunidos (contrairement à ce que nous disent les jolies brochures de leurs services "développement durable" nouvellement créées), qui souvent, sont ton employeur; si tu ne vois pas les enjeux féroces de la guerre économique qui se trame, autour des ressources naturelles, énergétiques et des services notamment, les différents noeuds de pouvoir en jeu, les écheveaux de complicités et de responsabilités, notamment dans ce type de conflit, j'en serai fort marri.
Tant que j'y suis: Chavez, Castro, Correa, Evo ne disent pas que des conneries quand ils parlent des crimes impunis commis par ces groupes transnationaux depuis le début du siècle dernier, ces groupes multinationaux du fric apatride, ce Mur de l'argent sans foi ni loi que dénonçaient en leur temps Blum ou Jaurés. Vas lire Galeano, retires la peau, les pépins et 20 pour cent du texte, et tu mourras moins neuneu.
Voila, c'était ma purge proto-stalinienne un tantinnet méprisante.
REPRENONS.
Nombre de multinationales occidentales se sont toujours très bien accomodés des régimes autoritaires, tortionnaires, massacreurs et assassins de masse de tout poils.
Si tu en doutes encore, lis un peu et enquêtes.
Demandes aux paysans guatémaltèques, demandes aux descendants de Lomumba, demandes aux historiens Sud coréens, demandes aux spécialistes de l'Inde coloniale et du Pakistan, relis les récits Gandhi. Demandes aux fellaghas. Lis les Veines Ouvertes de l'Amérique latine de galeano. Demandes aux chiliens et parles leur des PDG de ATT, de Pepsi au Chili, de l'Ecole de Chicago et de leurs bureaux permanents au coeur même du projet et du système pinochetiste, demandes leur. Demandes-leur.
Comme les grands capitaines d'industrie française, qui se sont parfaitement adaptés à l'économie de guerre des nazis et avaient même largement devancé la collaboration (ça, tous les historiens gaullistes nous l'ont appris), ou plus récemment les français de Total qui ont fricotté plus ou moins finement avec des milices d'extermination liées à la Junte Birmane (ça, Kouchner le tiers mondiste-deux tiers mondain ne nous l'a pas appris), les grosses boîtes multinationales US se sont toujours démerdés pour co-financer, stimuler et s'appuyer sur les groupes d'extermination paramilitaire en Colombie.
Au grè de leur convenance et de leurs intérêts bien compris.
En plaidant la nécessité de "protéger leurs installations,leurs investissements".
"On n'avait pas le choix, comprenez, ma brave dame". Par ailleurs vieil, vieil, vieil argument qui n'avait pas bluffé le Conseil national de la résistance française, en ce temps, ni les cocos, ni les gaullistes, ni les démocrates chrétiens type Shuman, un des pères de l'Europe, toute la génération du Préambule de la Constitution de 1946, qui traina certains de ces messieurs devant la justice.
Ils n'étaient pas dupes, en tout cas, de la perversité fondamentale de cet argumentaire là.
Notre époque a changé de héros politiques, mais pas vraiment de rapports de force: on croit plus facilement les big boss plaidant la complexité de la situation que les témoignages des illettrés édentés des fincas, survivants des massacres et persécutions.
Pour les hispanophones, je vous propose le dernier exemple en date.
Eclairant.
Au fait, une autre multinationale US a été blanchie dans des histoires d'assassinat sélectifs de syndicalistes, il y a quelques semaines. C'est "la faute à la guerre". Responsable, pas coupable, qu'il a dit, le juge. J'adore les histoires ou le gars, à la fin, il vous nargue et vous fait un bon gros doigt.
Allez Amy, à toi de causer:
Familiares de las víctimas de los escuadrones de la muerte de Colombia demandan al gigante estadounidense del comercio de la fruta 'Chiquita' por armar y financiar a sus asesinos
La empresa frutera Chiquita, con base en Cincinnati, ha sido denunciada por financiar, armar y apoyar a escuadrones de la muerte de Colombia. El grupo pro derechos humanos EarthRights International presentó una demanda conjunta en nombre de seis colombianos cuyos familiares han sido presuntamente asesinados por un grupo paramilitar colombiano financiado en parte por Chiquita. La demanda alega que el gigante del comercio de bananas enviaba dinero y armas a un escuadrón de la muerte de extrema derecha que asesinó a miles de personas y envió cantidades desconocidas de cocaína a Estados Unidos.
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Columna Semanal de Amy Goodman, presentadora de Democracy Now!
El Gran Traspié de Chiquita
Chiquita’s Slipping Appeal – 20 de marzo, 2007
Por Amy Goodman
¿Qué tienen en común Osama bin Laden y las bananas de Chiquita? Ambos han utilizado sus fortunas millonarias para financiar actividades terroristas.
El Departamento de Justicia acaba de multar con 25 millones de dólares a “Chiquita Brands International” por financiar una organización terrorista...durante años. Chiquita deberá cooperar plenamente con las investigaciones en curso sobre sus pagos al grupo paramilitar y ultraderechista colombiano conocido como Autodefensas Unidas de Colombia. Chiquita realizó pagos casi todos los meses a las AUC desde 1997 hasta 2004, alcanzando una cifra de al menos 1,7 millones de dólares.
Las AUC son una organización paramilitar brutal integrada por alrededor de 15.000 a 20.000 hombres armados. Fue calificada de organización terrorista por Estados Unidos el 10 de septiembre de 2001. Entre sus tácticas habituales se destacan el secuestro, la tortura, la desaparición, las violaciones, el asesinato, las golpizas, la extorsión y el tráfico de drogas.
Chiquita declara que tenía que realizar dichos pagos en respuesta a las amenazas de las AUC y para proteger a sus empleados y propiedades. Los abogados de Chiquita suplicaron a la empresa que dejase de realizar aquellos pagos ilegales, aunque sin éxito. Los pagos se realizaron mediante cheques a través de su filial colombiana, Banadex. Cuando los ejecutivos de Chiquita descubrieron que los pagos eran ilegales, empezaron a enviar el dinero en efectivo. Chiquita vendió Banadex en junio de 2004 cuando las cosas empezaron a ponerse demasiado complicadas.
Mientras las AUC se dedicaban a recolectar los dólares estadounidenses de Chiquita, asesinaban a miles de personas inocentes en las zonas rurales del país. Chengue era una pequeña aldea dedicada a la agricultura en el departamento de Sucre. Cerca de 80 paramilitares de las AUC entraron en el poblado en la madrugada del 17 de enero de 2001. Acorralaron a los hombres en un lugar y les machacaron el cráneo con piedras y mazas, asesinando a 24. Uno de los paramilitares implicados en la matanza, un joven de 19 años, confesó y proporcionó los nombres de los cabecillas, entre quienes se incluían miembros del cuerpo de la policía y oficiales de la Marina. Hasta la fecha, es el único que ha sido castigado por los hechos. Esta es tan sólo una de las cientos de masacres perpetradas por las AUC.
Chiquita tiene un largo historial criminal en sus espaldas. The Cincinnati Enquirer, el principal periódico de la ciudad donde se ubica la sede de la empresa, destapó sus trapos sucios en 1998. El periódico descubrió que Chiquita expuso a comunidades enteras a pesticidas de alto riesgo prohibidos en EE.UU., desalojó a toda una aldea en Honduras a punta de pistola, procediendo luego a arrasar el lugar, suprimió sindicatos, sin darse cuenta permitió que los barcos de Chiquita transportaran cocaína a nivel internacional, y pagó fortunas a políticos estadounidenses con el objetivo de ejercer una influencia sobre las políticas comerciales. El periodista encargado de la investigación, Mike Gallagher, accedió de forma ilegal a más de 2.000 mensajes de voz de Chiquita. Los mensajes respaldaban su historia, pero los métodos que empleó para conseguirlo causaron su despido. The Enquirer publicó una disculpa en primera plana y se informó que pagó a Chiquita 14 millones de dólares. El escándalo de los mensajes de voz sacudió los cimientos del Enquirer, y se acabó por enterrar aquel escándalo.
Chiquita era antes conocida como United Fruit Co., que con la ayuda de su antiguo abogado, el Secretario de Estado John Foster Dulles, y de su hermano Allen Dulles, al mando de la CIA en ese momento, derrocaron al presidente democráticamente elegido en Guatemala, Jacobo Arbenz Guzmán, en 1954. Y podríamos seguir rastreando su historia. El colombiano premio Nobel de Literatura, Gabriel García Márquez, escribió en su ya clásico “Cien años de soledad” sobre la “masacre de las bananeras” perpetrada contra los trabajadores en huelga de la United Fruit en 1928 en Santa Marta: “Cuando la empresa bananera llegó.. los antiguos policías fueron reemplazados por asesinos a sueldo”.
Mientras que Estados Unidos busca lograr la extradición de los ejecutivos de Chiquita en Colombia, el gobierno del presidente colombiano Álvaro Uribe, cuyos propios funcionarios fueron recientemente vinculados con los paramilitares de la derecha, ha contraatacado diciendo que intentará extraditar a su vez a los ejecutivos estadounidenses de Chiquita. Los fiscales colombianos también buscan información sobre el papel desempeñado por Chiquita en el contrabando de 3.000 rifles AK-47 y millones de cartuchos de munición enviados a los paramilitares en noviembre de 2001.
Una multa de 25 millones de dólares es sólo un tirón de orejas para una corporación multimillonaria como Chiquita, el precio que hay que pagar por hacer negocios. Presidentes como George W. Bush y Uribe, hombres de negocios ante todo, a pesar de encontrarse en un pleito por las extradiciones, nunca perderían de vista su objetivo común de mantener a toda costa el llamado régimen de libre comercio, estridentemente corporativo y respaldado militarmente. Mientras las cosas no cambien, líderes sindicales y agricultores como aquellos hombres de Chengue seguirán siendo víctimas mortales por parte de Chiquita o de cualquier otra empresa multinacional
Ese próximo plátano orgánico y de comercio justo que compres bien podría salvar una vida.
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Amy Goodman es la presentadora y productora ejecutiva de Democracy Now!, noticias diarias de televisión y radio transmitidas en 500 estaciones en Norteamérica y el mundo. © 2007 Amy Goodman