vendredi 10 août 2007
Hugo Chavez sur le divan
Une admiratrice du Président. 2 mains pour 2x5 millions de voix, signe de ralliement des chavistes.
Allez, CAKE dans ta FACE!
Ana s’en grille une petite. Une Gitane, blonde. Elle fait partie de ces portenos francophiles, qui évoquent Sartre, Foucauld et Deleuze avec une jubilation toute familière et cette espèce de classe, là, qui vous mord le coeur.
Un vrai et délicieux cliché.
Psychanalyste argentine de renom et qui le sait (une diva quoi, mais tellement brillante et attachante qu’on lui pardonne absolument tout), de visite à Paris, cette cinquantenaire (que je n’aurais pas rechigné à culbuter, si je l’eusse connu, en ce temps, à l’orée de sa jeunesse...rââ lovely...) me demande ce que je pense du Président de la République Bolivarienne. Question inévitable en ce moment. Car "tout le monde en parle", car il est l'une des énigmes centrales de notre temps. Et puis, pourquoi le cacher, parce qu'elle sait qu'après ce qu'il s'est passé il y a quelques années là bas, j'ai gardé mes bonnes sources d'information. Elle ne sait pas que j'ai même eu l'occasion d'approcher de près cet animal politique...
Je l’ai regardé, pensif, ai grommelé un « bof… », poussif.
Devant mon manque d’entrain, elle, qui se dit « révolutionnaire », qui a traversé de plein pied l’Histoire, celle des dictatures du Cône Sud, elle qui bataillé toute sa vie avec grâce et caractère, lâche alors cette phrase, sibylline : « De toutes façons, un président qui déclenche de telles passions, qu’elles soient fanatiquement pour ou hystériquement contre, est foncièrement dangereux ».
Je n’ai rien dit. Je l’ai juste écouté. Parfois, il faut juste écouter et taire ce que l’on croit penser, surtout face à des vrais sages, de cete trempe là.
Si son alter ego imaginaire, demain, me demande à nouveau, à moi, Petitou Patxi, je lui tiendrais à peu près ce langage.
Alors, oui, avec le Venezuela d’Hugo Chavez, on n’est plus dans la science politique de Papa là, ma petite Ana. On est dans le baroque absolu, sui generis, qui ne ressemble en rien à tout ce que ce continent a pu produire de leaders nationaux.
C’est que ce processus réussit des miracles, en combinant un formidable élan populaire avec une inefficacité des plus effroyables. L’espoir, merveilleux, qui s’accompagne de niveaux de gâchis et de corruption stratosphériques.
Plus dure sera la déception du peuple.
Saoûlés qu'ils seront des mille et une promesses de lendemains qui chantent. Usés qu' ils seront de l'attitude de leur nouvelle nomenklatura qui les manipule, elle qui fonce en 4x4 surpuissant, aux vitres teintées ne trompant plus personne, cachant leurs visages hilares derrière de gros stickers prônant l'homme nouveau du socialisme bolivarien.
En tout cas, je ne connais pas d’autres précédents historiques d’un gouvernement dit « progressiste » (et qui l’est, clairement, de moins en moins si jamais il ne le fut, d'ailleurs...) dans la région qui dispose de tels revenus financiers, d’un tel Trésor de la Nation, d’un tel budget, sans aucun contrôle parlementaire, pour mener à bien toutes les réformes nécessaires dans ce pays qui n’est ni caribéen, ni andin, ni sud-américain, mais qui est, avant tout, un pétro-pais.
Bilan.
Le bon, le mauvais.
Lo bueno, lo malo, lo feo de Chavez et de son processus bolivarien
Le correct voire bien:
Le goût retrouvé de l’espoir d’une vie meilleure, mois pénible, formidable espoir, d’un changement de la donne.
La possibilité d’une vie plus digne, pour certaines franges de la population, l’envie d’apprendre et de s’émanciper, de la part des majorités silencieuses du pays. La rupture avec l’entre-soit qui caractérisait le pays sous la IV ème république.
La démocratisation et le relatif décloisonnement de certains espaces publics, culturels, politiques, économiques, universitaires.
Avoir créé et accompagner les conditions d’une vraie rupture historique, qui était nécessaire, par la voie électorale et civile, pour éviter la violence généralisée type émeutes pré-insurrectionnelles très mortelles, du style Caracazo de 1989 (des milliers de morts). Avoir canalisé les impatiences populaires dans un processus politico-électoral.
Les missions sociales (bien que peu sostenibles, n’ayant pas réussi à créer les conditions de leur perduration dans le temps), les infrastructures - projets d’intégration ferroviaire en cours, les trains, les ponts, les voies de transport, les métros (même s’ils ont été sur-tarifés), la Mission Mercal- l’alimentation subventionnée, Barrio Adentro I, II et III- les missions de santé dans le pays, dans les quartiers démographiquement majoritaires qui n’avaient jamais vu de médecins de leur vie venir à eux, l’augmentation du salaire minimum qui devient un des plus élevés d’Amérique latine, l’augmentation et le paiement réel des retraites des petits vieux- pour la première fois dans l’histoire du pays, les bourses éducatives notamment pour les plus modestes, la stimulation du sport, l’équipement de certains hôpitaux, la réfaction de certaines écoles, l’aide humanitaire d’urgence lors de désastres naturels dans des pays de la région, le Seniat et son extraordinaire politique fiscale qui a récupéré des millions de dollars chez des élites habitués à la fraude et à l’évasion (même si sur le parking de son siège, il y a tout de même beaucoup de voitures de luxe et utres HUMMERs…), et surtout, la récupération de l’argent du pétrole, la fin du hold up permanent, la fin de la primauté absolue des intérêts étrangers, la baisse de la TVA, la régulation des prix pour la viande et les poissons, malgré ses effets pervers.
Lo malo :
Le populisme, que Tonton Patrick a finement résumé à une alliance de Bucaram (néo-populiste d'Equateur) et du général Boulanger (France de la IIIème).
L’incitation à la haine sociale, qui, pour en avoir été un de ses thuriféraires pendant quelques mois d’existence, ne mène jamais à rien de très sain. L'insécurité qui atteint des records mondiaux, les taux records d'homicides pour rien, et la dénégation totale du problème au plus haut niveau,
Le manque de préparation d’une bonne partie du personnel politique et des missions et leur désignation a dedo, de façon arbitraire et népotique. Un grand numéro de personnes incompétentes, nationales comme étrangères, comme facilitadores, consultants, chargés de mission, formateurs et animateurs très peu formés,
Des travaux inaugurés de façon partielle ou inconclue, souvent à des fins politiciennes et de campagne politicienne,
L’inflation, record dans la région, officiellement de 17 % mais qui atteint les 30% pour les biens de première nécessité,
Le pouvoir d’achat alimentaire qui se réduit comme peau de chagrin, combiné avec des problèmes structurels de production,
Barrio adentro I, II et III avec du personnel cubain, très peu de vénézueliens et surtout aucune formation locale,
Les salaires très bas des professionnels, techniciens et employés de l’administration publique,ce qui incite à taper dans la boiboite,
Les menaces ou intimidations aux journalistes et moyens de communication, la pression sur les chaînes de télé qui souvent le méritent bien, l’autocensure,
Les hôpitaux généraux qui s’écroulent et manquent d’équipements,
Le grand échec de la construction d’habitations,
Une assemblé nationale pleine de chavistes, à 100% (l’opposition a refusé de se présenter, donc ça n’a pas aidé),
La corruption, inédite quand le baril est à 65 dollars US,
La politique extérieure, erratique, faite d’à coups tous plus impulsifs les uns que les autres,
Les alliances stratégiques impardonnables avec le régime des mollahs iraniens ulatraconservateurs, avec le dernier dictateur d’Europe en Bielorussie, les sympathies pour des Mugabe, la fascination toute névrotique pour Castro,
Et puis les…
Ana se grille une autre clope. Elle va repartir bien vite.
C'est une évidence: il est temps de causer d'autre chose. De la neige à San Telmo, du maté, du calafate, ou des jupes rouges-rojitas de Christina de K…
Car elle en parle mieux que moi, de Chavez, quand elle le met sur le divan...
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10 commentaires:
Qu'avec lucidité et intelligence tout cela est dit! Mais mais mais... Ana aurait-elle voulu de Patxi? ;o) Creo que... No, no sé...
hahaha, en parlant de Bucaram, si tu as l'occasion de passer par Guayaquil, ou si tu as cela dans ta discothèque virtuelle, je suis à la recherche de son CD de musique latine, qu'il avait enrégistré après avoir été élu président.
Un trésor, indéniablement !
bah moi sans tomber dans l'admiration béate, je me dis que quand pour la première fois de son histoire un pays utilise une manne (en l'occurence le pétrole) au profit des plus défavorisés, son dirigeant me sied relativement même si je déplore qu'on "bouffe la semence" au lieu de la replanter.
Et l'incompétence des régimes de gauche est à replacer dans le contexte: sont ils compétents, ces gens de droite qui "savent de quoi ils parlent" en matière économique? Un pet de travers aux USA, et la crise financière mondiale explose en 24h. FHC a peivatisé la moitié du Brésil, pour laisser une dette quadruplée et des taux d'intérêt hallucinants. Vous voulez que je vous parle de "chez nous" en France?
Alors Chavez, d'accord: bof!
mais quand je pense à ceux qu'il a remplacés...
Philippe,
effectivement il est permis d'en douter...Mais dans les mondes imaginaires qui nous tendent les bras, là bas, loin, Ana est jeune, trentenaire, galbée et tout à fait chatoyante.Aorès, évidemment, s'il n y a pas réciprocité, je peux toujours aller sur Pigalle ou à Irun en Espagne. La classe quoi.
Patrick, eso para ti, a propos de ton idole à toi:
La carrera pública de Abdalá Bucaram se inició cuando fue nombrado Intendente de la Policía de Guayaquil a los 28 años, gracias a su hermana Marta, esposa del recién elegido presidente Jaime Roldós Aguilera en 1979. El "Gran Cuñado", como se le apodó, debutó haciendo una redada de prostitutas y homosexuales y haciéndolos desfilar entre el Cuartel Modelo y el Palacio Municipal en un grotesco recorrido de 25 cuadras en las que el populacho se divirtió lanzando improperios y proyectiles a los detenidos. Después se dedicó a capturar a mujeres y chicas con minifalda para coserles las prendas al cuerpo.
Benjamin: oui, certes, mais on n'est pas là non plus pour se satisfaire d'un moins-disantbof bof, a minima, quand on dispose d'un boulevard absolu pour gouverner de manera adecuada: pas d'opposition, des revenus inédits (le barril de pétrole sous la 4ème était à 12 dollars en moyenne, pas 50...), un soutien populaire puissant (qui se dégrade peu à peu...). POur au final imposer une vision militaire, clientéliste et verticale du monde, du pouvoir, de la gestion du bien commun.c'est un putain de gachis...enfin les historiens parleront, un jour
Vous avez tout dit, cher ami!
Bien sûr, nous sommes légitimement fondés à critiquer au sens originel du terme, à exiger plus et mieux toujours davantage: c'est ce qui fait bouger les choses. Mais l'évaluation finale ne pourra être faite qu'avec du recul, en tenant compte du contexte local qui sera alors analysé sans passion.
Je vous donne un exemple: l'émission "allo presidente" qui fait effectivement hurler de rire (et/ou de rage) l'Européen moyen qui ne se rend pas compte (ou bien qui l'accepte, résigné) qu'il est soumis à un bourrage de crane certes beaucoup plus subtil, plus "intello" mais tout aussi efficace. L'exemple français que je vais continuer d'analyser sur mon blogest tout à fait caricatural en ce domaine: la propagande dépasse - et de loin! - les émissions "politiques" (d'ailleurs il n'y en a quasiment plus)
Ne croyez surtout pas que je suis un fan d'Hugo. Mais je crois que si je vivais au Vénézuela, il me semble que je me rangerais dans les "soutiens très critiques" et pas dans les "opposants résolus".
Vous savez, j'étais au Brésil quand Lula a crééé la "bolsa familial", et je me souviens encore des tombereaux d'injures qui se sont déversés sur ce foutu démagogue qui allait "acheter des voix des pauvres" avec un tout petit succédané de nos allocations familiales en France. Je vois en quoi la "bolsa" a changé la vie des voisins de mon fils (il peut compter sur mon aide en cas de crise donc c'est moins crucial pour lui): ils savent que leur gosse n'aura peut être pas de chaussures, mais qu'au moins il mangera et ça dans les "palafitas" de Belém, ça n'arrivait pas tous les jours.
Dans les favelas de Belém, tout le monde se loue de ce système lié à la scolarisation effective... et pourtant on y a voté Alckmin à 60%! D'ailleurs le nommé Alckmin, très logique, a expliqué combien c'était pernicieux, cet "assistanat"... tout en promettant que non seulement il le maintiendrait mais qu'en plus il l'amplifierait.
Là, Lula veut urbaniser les favelas au Brésil, injecter 12 milliards de R$ dans des trucs aussi inutiles que des tuyaux qui amènent l'eau potable, des égouts, le ramassage des ordures, etc. Parions qu'on va encore l'accuser "d'acheter des voix", depuis les luxueux appartements de 500 m2 situés aux quinzièmes étages des immeubles de luxe...
D'accord, Lula ne fait pas la révolution. Mais il change le quotidien des gens, au sens propre. Et avec l'âge j'ai évolué et je préfère un réformiste qui agit tout en s'embourgeoisant à un révolutionnaire qui pérore.
Pour moi, Lula c'est bon, Chavez je sais moins mais je le classe à peu près dans cette case (je dirais réformiste maladroit avec une logorrhée révolutionnaire) . Morales, j'ai des doutes, mais cette pauvre Bolivie partait de si bas, son peuple était si malmené qu'il avait bien le droit de commettre une erreur lors des élections (de toute façon l'adversaire de Morales, c'était pire).
Amicalement
Benjamin
PS: Patxi, j'ai fait une "pub d'enfer" pour votre blog sur le mien!
"Quelqu'un qui déteste Kouchner ne saurait être foncièrement mauvais"
Moi aussi Patxi, j'ai mes "Ana"... ;o)
benjamin,
MOUAICH...Enfin, il faut être sur place au moins quelques années, ce qui fut mon cas, pour saisir à quel point le gachis, l'ineptie et l'ARNQUE sont en tout point incomparables.
En tout cas, évitons les comparaisons avec l'Europe politique, c'est délicat.
Je préfère ce qu'il se passe en Bolivie. On y reviendra de toute façon.
Votre blog, brillantissime, m'aide à penser, à éviter que mon esprit ne s'étiole, ce qui n'est pas rien. Soy pero muy fan cabron. felicidades, et merci pour la pub...
Phlippe, vous êtes un vrai cabotin.
patxi
Voila un bel état des lieux de la politique de Chavez. J'ai enfin trouvé où renvoyer tous ceux qui me demandent ce que j'en pense.
Faites donc Mr Victor, toute publicite artisanale est la bienvenu.
Un jour Tonton Patrick me pretera certains de ses lecteurs egalement.
D ailleurs le monde est un petit bouge, on m a parle de vous sur Paris recemment.Un jour nous nous croiserons tres certainement, il faut laisser le destin agir.
Un abrazo
Patxi
Patrick sur paris, ou moi-même ?
Aurais-je été démasqué ? L'abandon de mon blog m'aurait trahi ? Damned !
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