vendredi 2 mars 2007

Carnaval, collection N°3- Oruro, Bolivia





















Le groupe LLAJTAYMANTA. Cha cha cha. Une morenada. Je kiffe. Goguenards, certains kamrades de jeu ne comprennent pas le goût que l'on peut avoir pour le folklore bolivien, Barbara ET pour le hip hop east coast. Tampoco.


Le plus beau Carnaval du Monde, c'est le Carnaval d'Oruro.
Voilà.
Péremptoire.
Limpide.

C'est un truc flamboyant, fort, Oruro.
Ca souffre, ça prie, ça s'exalte, ça sue, ça picole, ça suinte, ça pisse, ça vomit, ça s'enroule, ça se bastonne puis ça s'embrasse, ça danse, putain qu'est ce que ça danse. Brut, des kilomètres et des kilomètres de pélerinage synchrétique et sautillant, jusqu'à s'incliner aux pieds de la Vierge du Socavon, la Vierge des mineurs qui grattent le filon à l'ongle et à la foi, comme à la fin du 19ème siècle.
Ils arrivent, s'inclinent. Transis.
On en voit même certains en "roue arrière" (tiens, comment va Mr Soulard?)

C'est un truc de fou. C'est sans doute, encore, un élément fondamental de pacification sociale dans un pays qui en a bien besoin.
C'est surtout une fête qui ne soutient aucune comparaison.


J'ai justement un collègue brésilien, complètement addict à tout ce qui ressemble de près ou de loin à un phénomène de transes urbaines, de plumes dans le cul et de musiciens mobiles, qui en revient. Je crois qu'il ne s'en remet toujours pas.
Il y a encore peu de temps, le folklore populaire était méprisé par les classes oppulentes de ce pays de féroce ségrégation. Mais peu à peu, les cultures marginales ont commencé à attirer les bouregois de la zone sud, les cloitrés des compounds sécurisés, dans certains quartiers fermés des villes, qui se sont peu à peu mis à danser eux aussi les danses du cholo, de l'indien, du crasseux, de feu-le-gueux, que sont la cueca, la diablada, les caporales, le toba, les morenadas, les tinkus... Le mélange se fait sans heurts.

On me raconta que dans les années d'ajustement structurel d'obédience FMIste, ces maudites années perdues, même l'ancienne élite politique, blanche, ces "De Boers" Andins qui ne reviendront plus, se mêlait tout sourire à ce Carnaval, après l'avoir tant méprisé.

Déjà, dans notre royaume de France, le plus grand plaisir des princes était de se mêler au populaire. Henri III courait les rues de Paris, costumé en Pantalon vénitien et s'amusait fort à battre les passants et à jeter dans la boue les chaperons des femmes. On ne s'en étonnait guère; c'étaient les moeurs du temps.
Les vieilles femmes osaient à peine quitter leurs maisons de peur des "attrapes" du mardi gras. On plaquait sur leurs manteaux noirs des empreintes de craie figurant
des rats et des souris, on attachait à leurs robes des torchons sales.
Nous ne parlerons des obscénités étalées en public, et des facéties grasses, que pour rappeler qu'elles étaient un des traits les plus caractéristiques des saturnales. Les théâtres ont conservé longtemps la tradition de jouer les pièces les plus licencieuses dans les derniers jours du carnaval. Coquinneries, aqui, alla.
A Oruro, on ne pense pas à tout ça. On comprend quelques morceaux, bien plus tard.
A Oruro, on ne sent plus cette chappe de plomb raciale qui est tout de même à vif dans le pays depuis 2000. On ne pense plus, enfin, à tout celà. On se reconnecte avec les entrailles de la terre et de la poussière. On les transfigure. On fait jaillir la couleur.

On m'a parlé d'un blogue de voyage en Bolivie: ils en causent bien. Ils sont mignons ces belges. Presque cursis, mais mignons.

J'aime le Carnaval d'Oruro, aussi, parce qu'il reflète la Bolivie. Avec ses grandeurs, ses immenses éclats de brio, son panache carnassier, sa trajectoire culturelle millénaire, sa capacité de résistance aux plus grandes des tragédies, personnelles comme collectives, toujours si intimement liées là bas.
Je l'aime pour ses tripes.

Par contraste, le show de Rio (ça virerait snob sans crier gare, là...), sa rigueur disciplinée, l'extrême ajustement de ses mouvements, la coordination appliquée de ses participants/compétiteurs...
Rio, c'est la compét. Entre différentes écoles de samba. C'en serait limite chiant, à bailler.


Allez, en février 2008, cap sur Oruro.

QUESTION: "Les ours" d'El Alto y seront-ils?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et bien avec ce commentaire qui vient du coeur, si ça donne pas envie de voir à quoi ressemble le carnaval d'Oruro, c'est que vraiment soit ya un truc qui cloche soit on aime que la samba ;)
Celui de Puno était pas mal non plus en tout cas!
ciao, et p-tre à un prochain février 2000 quelque chose à Oruro.

Anonyme a dit…

les ours y seront, bien sur... en plus on n'a pas les moyens d'une croisiere au Bresil....