vendredi 30 novembre 2007

La corvée d'eau des petites fées (Guatémala)


Paco de Lucia





Nous, le faux basque bondissant et le vrai breton bouillonnant:

- Hola!

Les gamines, de répondre, doucement:

- Hola!

- Euh, como estan? Todo bien? Désolés chiquitas, on est un peu perdus...C'est bien par là les grottes de Tupiztlan?

- Oui, cercita (tout près)...(l'ainée, baissant les yeux, intimidée, tout en pointant le bout du chemin.)

- Merci, muy amables! Oye, c'est lourd ces bidons d'eau, parece, no?

- Si, un poco (un peu) (petits rires discrets des petites fées)...

- Vous allez loin comme ça?

- Non, cercita! (tout près) (l'aînée, baissant les yeux, mais moins intimidée, tout en pointant le bout du chemin opposé.


- Cercita comment? Como un minuto o una hora?

- No, como media hora caminando no mas! Cercita! (une demi heure à pied, c'est tout!Tout près!)

- Et Papa ou Mama aussi ils viennent chercher l'eau des fois?

- Nan (rires)! No no! Mama travaille chez le patron, dans les champs.
Et Papa...(le petit doigt de l'aîné montre le ciel).

Malaise.Tentative d'empathie, malgré tout...

- Ah, il est plus là?

- Non, il est parti là haut...dans les terres du Nord, là bas en Istadousounidoss!

Nous tout penauds, sans comprendre ce mot barbare, pensant à un décès.

Et la petite fée, tout à coup:

- Là bas, au Nord, aux Istadosounidoss, aux Etats-Unis il est Papa. Depuis 5 mois. Arry Zona que ça s'appelle même...et après bah il vient ici. Avec des cadeaux et il est tout contento. Et après il repart, longtemps. Alla. Là bas. Pour travailler.

(...)

- Des fois il pleure et Maman aussi des fois...

(...)

- Et vous allez à l'école? (oui c'était le premier voyage et on était assez relous avec l'autochtone...)

- Des fois. Mais des fois non.

(...)

- Bueno, merci chiquitas! Gracias por todo!

Et les petites fées de rigoler, devant ces deux énergumènes à la peau étrange, aux dents exotiques, aux accents bizarres, aux questions toutes farfelues.
Et les petites fées de nous serrer la main, et de partir contentas, en sautillant malgré leurs bidons d'eau.

Les fées du Peten, dans le Nord du Guatémala, se sont alors peu à peu enfoncées dans le sentier de forêt tropicale. Chaque jour, avec leur petites mains et leur grand courage, elles assument leur corvée d'eau.

Que sont elles devenues?



Vers la fin du deuxième millénaire, date de ces photos, l’Amérique latine, les Caraïbes avaient approximativement 497 millions d'habitants contre 209 millions en 1960. La situation de l’approvisionnement en eau et l’assainissement s’était améliorée au cours de ces dernières années.
De nos jours, de fortes disparités subsistent dans la nature des prestations de services et le droit à l'eau pour les populations en milieu rural.
A l’an 2000, 71,5 millions de personnes n'avaient pas accès à l'eau potable en AmLatine; soit 9 % de la population totale. La population des zones rurales est la plus touchée : alors que la couverture globale des zones urbaines atteint 93,2 %, celle-ci n’était que de 64,6 % dans les zones rurales.
Source: BID-PNUD-IRD

3 commentaires:

Unknown a dit…

même pas un coup de main pour porter l'eau..."et c'est loin?" "no, cerquita!" "ben alors démerde toi!" hehehehe ;-)

Anonyme a dit…

Cuidao, Guillermo, que si tu énerves le Patxi, il va sortir son bazooka et te laisser une réponse de trois pages qui fait mal, écrite avec ses tripes et sa sueur, comme dans le billet de l'enfant-robot de Chavez il y a quelques jours. Et ça va nous le fatiguer, et il écrira moins de billets. Faut pas nous l'énerver, on a besoin de ce type-la pour casser nos fantasmes sud-américains qui sentent bon la révolution et les illusions de vieux gauchistes.

"Hasta la derrota, siempre!"

Anonyme a dit…

Non, effectivement. pas de coup de main stupide en terre indigena avec deux gamines un peu effrayées de voir des gringos; ou les codes sociaux, le licite et l'illicite n'a pas le même sens qu'en milieu urbain occidental.
et puis il y a des (...).
Et le jour d'avant? et celui d'après? donc je l'aurais fait pour soulager ma conscience, me sentir moins con? vraie question...
on s'est sentis un peu merdeux, et c'était une des premières fois ou on a commencé à comprendre les rages et espoirs des peuples du Sud..ptit à petit, on ouvre les yeux.
les voyages forment les consciences.
Guillermo: effectivement, faut pas faire chier le Patxi, il mord si on rentre dans sa tannière et qu'on vient lui balancer des pendejadas.
mais je te sens totalement désabusé sur ta gauche mon vieux. faut pas, faut pas: la preuve, en fin de texte, je rappelle que sur le thème du droit à l'eau, il y a d'énormes avancées dans la région et dans le monde depuis 20 ans...