Restaurant-comedor familiar de Don José. Petite communauté rurale du Nord de Potosi, un des Départamentos (Régions) les plus pauvres, les plus indiens et les plus isolés de Bolivie
Traduction: poster de gauche, promotion d'une association locale de santé communautaire: "Pour que les femmes puissent s'organiser" - poster de droite: "Surena-celle du Sud: la bonne bière!!"
La fracture entre le pays réel, composé à 72% de population indigena, qu'elle soit aymara, quechua, guarani, moseten etc, et le pays imaginaire, blanc, véhiculé par les médias (la grande plante réifiée, superbe, blonde et dénudée, ici qui s'accroche à une bouteille ma foi toute phallique), est un trait saillant immédiat pour le visiteur européen qui débarque en Bolivie. Les décalages permanents sautent aux yeux du visiteur, même pour le plus distrait, même pour le moins attentif d'entre eux. Leur analyse contribue à comprendre le contexte de l'arrivée au pouvoir d'Evo Morales.
En décembre 2005, le pays réel a fini par surgir et s'installer irrémédiablement dans les urnes. Depuis 2000, les communautés de base, au niveau local et régional, se sont fédérées, organisées, préparées, notamment grâce à de nombreuses structures locales telle que cette association communautaire. Pendant que Miss Bolivia (en compagnie de ses frivoles de copines-supermodelos, elles aussi originaires de Santa Cruz- basses terres du Sud-Est), qui exhibe allégrement ses belles fesses sur ce type de poster au gré des saisons, déversait sa bile raciste sur les habitants de l'Altiplano (hautes-terres).
Guerre de genres. Les femmes jouent un rôle cardinal dans les communautés rurales indiennes de Bolivie, dans la sphère privée comme dans la gestion des affaires publiques. D'ailleurs, anecdotique mais authentique, le premier club d'hommes battus d'Amérique latine s'est ouvert en 1976, à La Paz...
Certes, la femme-objet et sa représentation soft-core ont encore de beaux jours devant elles. Mais désormais, d'autres visages féminins occupent et continueront d'occuper, de façon irréversible, l'espace public, le haut de l'affiche, les posters des comedores populares. Ces femmes ont des tresses jusqu'au bas des reins, cinq à six épaisseurs de jupons, des gamins dans le dos. Le poing tendu, elles revendiquent désormais un futur, celui-là même qui leur fut sans cesse dénié ou repoussé aux calendes greques.
Leur visage a le couleur de la terre. C'est l'autre genre. La région devra s'y habituer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire