vendredi 25 juillet 2008

Quand c'est trop c'est Tropico

Il fait two chaud pouw twavailler.
Il faut two chaud, satane mois de juillet.

Quand c'est trop, c'est Tropico.
J'ai la flemme coco, entre deux ploufs dans l'eau...

Alors, je recycle du vieux message,
Au gout de Pulco Citron,
Le mois de juillet, les gens de passage,
Ont eu droit a cette decoction...

Yo.

Au dessus, la, il y a une rubrique finement intitule "Patxi se detxire" (car vois-tu, le T + X se prononce CH, comme TXE GUEVARA). Mais selon de proches informateurs, tu n'y vas jamais. Donc, je recycle en te le mettant sous le nez.


Je voudrais pas crever.

Ils étaient trois français, limite prolos, tout comme nous.
Débraillés, suants et rigolards. Des petits cons. Tout comme nous.
La trentaine bien sonné.
Nous en avions vingt.

L'un d'entre eux était cuistot. Un regard d'aigle, mais usé. A la fois hardi, impavide et inquiet. Ce gars dégageait une énergie étrangement fascinante, imputable à la poésie du personnage tout autant qu'aux grammes de farine de riz dont il devait se saupoudrer vaillamment le nez...

Je n'ai pas eu besoin de lui demander directement, rituel d'usage entre voyageurs de rencontre éphémère, ni de façon détournée, sa raison d'être en cet endroit du Mexique.

Il prêtait ses bras, une bonne partie de l'année, pour un de ces restaurants sans âme situés sur les aires d'Autoroutes du Sud de la France. L'Arche, même, que ça s'appelle.
De ces chaînes de bouffe aseptisée qui recoivent des milliers de vacanciers en partance pour le soleil.

Les ambiances de pause-pipi, de familles nombreuses descendant au Bled (qu'il soit toulonnais, portuguais ou marocain, de bled), de brumisateurs tout neufs, de gamins braillards car fatigués et de parkings aux odeurs d'éther. Bref les pause-repas, à l'Arche. "Tout un poème", me dit-il.
Et d'ajouter, lucide, mais pas totalement désabusé: "Et bien en cuisine, derrière, les clubs sandwich et tout ça, c'est moi."

Le reste de l'année, sur ses congés payés, il vient vadrouiller en Amérique latine. Et se retrouver.
Il tient à ma préciser et me prouver sa frugalité: il ne voyage qu'avec un pantalon, deux tee-shirts. Et un livre. Point barre. Des grands sacs de toile, complètement vides. Pour ramener des bouts de souvenirs, des bouts de terre, d'encens, de plantes, de tissus, d'artisanat. Des masques, aussi. Des cadeaux aux siens. Il aime bien les masques en bois de Chichicastenango, Guatémala. Mais préfère l'encens que l'on trouve au Chiapas.

Et c'est tout naturellement qu'il nous sort son livre. Il voyage toujours avec lui, depuis son premier voyage. La collection complète de Boris Vian. Version NRF. Abimée en ses coins et sur sa couverture par la route et par ce sac, démesurément, trop, grand.

Il y en a un qui va vous plaire.
Et de nous lire, avec juste l'intonation qu'il faut, en ce moment précis, "Je voudrais pas crever".

Une sorte de Pythie passablement cocaïnée, sans dessus-dessous, mais une Pythie tout de même.
*******

C'est Hermann Hesse, à travers son personnage de Knulp, qui nous rappelle qu'il faut des ecervelés, des Pythies cocainées (rajout de l'auteur) ou des vagabonds un peu poètes de cette espèce pour pouvoir porter, partout ou ils vont, un peu de la folie et du rire d’un gosse. Pour que partout les hommes les aiment, un peu, se moquent d'eux, aussi, et leur soient, surtout, reconnaissants.

C'est ce gars là, ce jour là, qui me fit découvrir ce poème; comprendre qu'on ne peut certes pas trop en demander au livre ; que c’est à chacun de nous de se faire une idée de la vérité et de l’ordre du monde ; que cela, on ne peut pas l’apprendre dans un livre ni même dans un poème. Mais qu'il peut, ce livre ou ce poème, nous porter quelque part. Vers quelque vérité.

Qu'il faut aller la chercher, cette idée.

Seuls le voyage, la quête, comptent alors.
Dans les effluves des marchés indiens du Guatémala, comme dans les arrière salles des cantines de l'Arche.

Boris Vian
Je voudrais pas crever

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver

Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles

Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre

Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres

Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne

Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères

Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux

J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux

Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents

Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs

Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le gout qui me tourmente
Le gout qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir gouté
La saveur de la mort...

1 commentaire:

Emi a dit…

Rien à voir avec le sujet mais comment as-tu fais pour apparaitre sur "rezolatino"? Y'a moyen de s'y inscrire? ça me ferait quelques visiteurs supplémentaires...!