mercredi 24 février 2010

DF

10 ans déjà, que tu me, que tu nous as tendu tes bras, ma grande, ma très grande.
Pas un rond, pas de plan, pas de toit;
Des obligations, de survie, des pressions, de subies.
Pas rentrer bredouille. Aller au bout.
10 ans déja, que tu nous a fait hommes, ma salope, ma très grande salope.
Pas de calcul, pas de recul,
pas de sang, pas de haine.
De l'amour, de la rencontre, de la duplicité joueuse,
de la lucha, libre, joyeuse, et cette amitié, avec le grand breton de granit, de l'Intérieur,
avec, cette amitié, irréversible.

Aujourd'hui même, 10 ans après, pile poil, nait sa petite bretonno-mexicaine, Ina.
Dont je suis le parrain.
Dont tu es, DF, la marraine.

1O ans, Mexico DF, que tu nous as fait homme, et bientôt, père...

Brindo pa' tu salud cabron, y pa' la nenita!

vendredi 19 février 2010

mardi 16 février 2010

Aéroportum faunus




Aéroportum faunus,
Ou une wanabee typologie des faunes, groupes et individus qui font le tumulte et les chassés croisés faussement chaotiques des aéroports internationaux

Comment? Je généraliserais? Mais pas du tout, je suis un botaniste: ceci est un herbier à prétention parfaitement scientifique, et tu vas donc m'y suivre, les yeux bandés.

D'abord y'a l'ainé, qu'est con comme un melon.

Bon, reprenons : mon aéroport type et ses tribus:

1) La famille experte es voyages, commode, nombreuse, bruyante, menée par son vociférant leader naturel, Tonton Roberto. La famille Middle Class au sens latino, omniprésente, à l'aise Raul, solidaire et cancagneuse, présente et étouffante, stimulante et oppressante, curieuse, voyeuse, généreuse, tout cela à la fois. La famille au sens large est sur le départ, certains ont tout planifié depuis des lustres, d'autres depuis l'avant veille, c'est qu'on va pas commencer à refuser du monde, c'est la familia tout de même. La famille au sens étendu du terme, donc, ses oncles, ses bébés, ses cousins de sang comme ses primos au sens d'amis tellement proches qu'ils sont primos, quoi, les novios, novias, même ceux de Lidl Class, pièces rapportées, esposo, esposa, suegra-belle mère, et même la abuelita qu'est par là, sur un autre type de chariot qui couine, lui aussi.
Cette masse informelle s'avance au comptoir d'American Airlines, por fin, enfin, Miami, leur tend ses bras vulgos dasn lesquels ils se précipitent, je les vois déjà, magie de l’anticipation imaginaire, avec leurs méga burgers et giga wafles, leur reflets de crème solaire mal étalée et les néons épileptiques de la nuit qui éclairent leurs fronts gras et luisants.
Toujours prêts à générer des bousculades d'anthologie, de préférence aux dépends des autres, mais au profit du groupe, cette famille est ce qui se rapproche le plus des familles libanaises en aéroport (enfin je doute que cela te dise quelque chose, classer des peuples sur une échelle du sans gêne est quasiment un délit...). Bref, on ne voit qu'elle et rien n'y fait: ils te péteront les roustons jusqu'au bout en te changeant de place sans te consulter, en braillant haut et fort, complices et surs de leur force (la force du nombre), et en se commandant des litres de Guisky à gogo. Son plus grand dédain: l' homme seul.

2) Le voyageur "frequence plus flying blue gold card", l’abonné aux décollages, de Rotterdam jusqu’à Rio : c’est le nomade high tech qui déchiffre plus vite que tout le monde tableaux, comptoirs, terminaux, couloirs, qui comprend plus vite que tout ce petit monde qui l'entoure et qu'au fonds il méprise, ces juniors, ces beaufs, lui qui comprend plus vite que nous autres, ânes battés, le fonctionnement du bouquet de films et de jeux disponibles sur l'écran tactile de l'avion, la composition et fraicheur des sandwiches et des boissons à choisir, qui vous rafle le Canard enchainé, le Monde, Libé, avant tout le monde, car il est maître en art de penser à sa gueule (et soyons juste, à celle de ses copaings d'expatounets en sevrage de lectures : nonobstant les platrées de pubs Dior et Gucci NOuvel Obs'iens, ils sont en manque les bougres, et Mr leur fournit...ou dans l'autre sens, des cartouches de Marlboro light cachées dans ses chemisettes de printemps). Premier à monter, premier à descendre, il maitrise le tempo, les flux, il est le client business en éco, économe de ses gestes, de ses impulsions, de ses impatiences. Sa malette est en faux acier gris métal, chic et confort. C'est le type qui saura te dire ou se trouve la putain de bulle en plexi pour aller s'inhaler la tronche de nicotina. Ou il ne te le dira pas, exprès, pour y être lui, peinard, entre deux dégustations de muffins dans le Club Ibéria. Dépendra de son humeur, du contrat en jeu, de sa prestation de la veille. Son plus grand mépris: les touristes, en horde comme en solo.

3) La perdue, elle, est un peu plus facile à débusquer: c'est évidemment celle qui passe son temps la tête en l'air, hypnotisée par les panneaux départs, arrivées, connexions, sorties, bagages, transit, métro, train, bus, parking; c'est elle que tu repères aisément, regardant de ci de là le comportement des autres, mais ces autres sont souvent dans une autre file, pour une autre destination, en d'autres mains. Passe son temps la tête en l'air, donc, en attente d'un signe divin lui indiquant ou et comment se diriger vers son aéronef magique. C'est son nom en général qu'on entend en boucle à travers les systèmes audios de l'aéroport, dernier appel, Monica Pervenche Burra, dernier appel; du surcroît, à cause de sa désorientation naturelle comme de l'accent parfois surprenant utilisé par l’agent d’accueil pour prononcer ces dizaines de noms aux consonances exotiques, Monica se plante parfois, persuadée qu'on l'appelle en permanence, à tort. La perdue (et pas le perdu parce que le sous-narrateur en a décidé ainsi, pues), c'est aussi celle qui, par son air trop innocent des premières fois, qu'elle arbore haut, trop haut, se fait dépouiller de ses menues monnaies par les porteurs, loulous, malandrins pouss pouss, taximètre sans mètre, tuk tuk, metteur de plastique, cireur de pompe et de valise, qui peuplent les aérogares en chasse du couillon du jour. C'est cet air empoté et de proie facile qui la rend si vulnérable, si touchante. Son plus grand chagrin: elle même.

4) Les bagpackers, ou mochileros en Amérique du Sud et centrale, ces touffes chevelus posés sur sac à dos quechua, ces faux hippies du voyage, avec leur gueule blanchâtre, au départ, qui battent le pavé d'un pied énergique, presque euphorique, tout à fait insupportable pour le blues man, débordant de candeur, les fous, vis à vis des vagues de fléaux, maladies, bubons, typhus, des habitus étranges et barbares qui les attendent, évidemment, attaques virales, groupes séparatistes, glissements de terrain, malarias, scorbut, chaudes pisses, viols et autres déluges et cataclysmes qui les attendent de pied ferme. Systématiquement allongés sur 2-3 sièges ou, faute de mieux, alignés sur les sols marbrés des interminables couloirs des zones d'embarquement, ces jeunes et de plus en plus anciens jeunes écervelés sont déjà en phase de lecture préparatoire, exhaustive, du Routard, le guide pourtant connu pour être le Guide du retard, pour le manque d'actualisation de ces pseudos "bons plans" et adresses de base, persuadés que tout se passera comme prévu. Son plus grand mépris : le voyageur propret qui arrive en taxi.

5) Le loser magnifique, qui perd, tout, qui a oublié, tout, qui a le vol annulé, qui aura mauvais temps, qui a une surtaxe à payer, qui s'est fait surbooké la gueule, qui n’a donc plus de place, qui ne négocie que trop tard et trop mollement pour rattraper le coup, pour se faire payer une nuit d’hotel, au moins, un chèque compensation, qui se trompe de terminal, de jour, de vol, d’aérogare, putain merde c’est bien 5 heures AM ou PM? Meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerde! Le loser magnifique, qu’on a oublié d’aller chercher à l’arrivée, quelle triste image que cette silhouette courbée plantée là, seule, sous la pluie, alors que le ballet des câlins et retrouvailles s’est évaporé depuis un bon moment déja. Le loser, qui va choper toutes les saloperies promises aux bagpackers qui eux s’en sortiront, privilège de l'âge, insolence et insouciance qui les immunisent du mauvais karma en quelque sorte. Loser magnifique d'aéroport, qui se fait contrôlé tous les 50 mètres, fouillé le fion, carjacké, hijacké, séquestré, dépouillé. Son mépris : le destin qui se joue de lui, et évidemment le flying blue express gold traveler qui glisse tel un archange, insupportable péteux sans soucis.

6) Et puis ya le couple aux adieux infinis, multiples, sans cesse renouvelés, qui s’enlace, s’aggrippe, refuse l’irrémédiable, anticipe le pire, l’accepoet, puis revient pour un dernier, fougueux, on se dit que ça ira et que ce ne sera pas long, juste une coupure, une courte transition, à moins que, à moins qu’il, qu’elle ne m’oublie, qu’elle trouve quelqu’un de « mieux », de plus, d’autres, et cette déchirure, et cette angoisse là, et cette beauté de l’amour à distance qui t’arrache quelques larmes intérieures, toi, le voyeur soudainement ému. Leur crainte à eux, c'est l'oubli.

7) Et puis ya le citoyen de mauvaise humeur, dont le terrain de non jeu et de prédilection est sans conteste le détecteur de métaux, ou ça râle, ça ne comprend pas ces uniformes tatillons, et les godasses aussi con ? Mais pourquoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? Mais que c’est enquiquinant d’enlever ces ceintures, de montrer son billet, son passeport, et donc ça resquille, àa passe par les côtés, ça évite la queue. Le Français excelle dans cette catégorie olympique officielle du combiné râleur nordique.

8) Et puis ya la surchargée, la gavée de sacs de marque et de démarque, la reine de la détaxe, toujours prête à passer 2 h en douanes pour se faire rembourser les TVA de ses maousse emplettes (et le diminutif ette prend un tour grotesque avec elle), Miami Beach a été généreuse, elle qui demande de l'aide à tout le monde, souplait, je ne m’en sors pas, avec mes 4 valises en soute et mes 8 sacs à main.

9) Et puis ya le man du duty free, la zone d’achat hors taxe, un enfant parmi les jouets, ces galeries étincelantes qui le subjuguent. Il se fait plaisir et à l'heure d'embraquer, il se rend compte qu'il a oublié les cadeaux pour les autres et les promesses de soin de peau pour Madame, tpete de linotte…

Et puis l'oublieux, le persuadé de l'être de quelque chose en tout cas, pas tranquille ni au départ, ni à l'arrivée, il a réservé trois fois, il connait toutes les règles sur le changement des sièges de passagers, il arrive 4 heures en avance, il vient te parler, non, dégages, rrrrrrrrrrrraaaaaaaaaaa tu me stresses, quoi, o et puis bon, faut juste le rassurer, OK, je lui réponds. Gentiment. Troip tard.
Il ne te lâchera plus jusqu’à la sortie à CDG…

Voila, ce sont des choses et personnages vus et disséqués à Mexico, Santiago, Medellin, Quito, Caracas, CDG, que sais-je encore...

samedi 6 février 2010

Oruro





















Le groupe LLAJTAYMANTA. Cha cha cha. Une morenada. Je kiffe. Goguenards, certains kamrades de jeu ne comprennent pas le goût que l'on peut avoir pour le folklore bolivien, Barbara ET pour le hip hop east coast. Tampoco.


Le plus beau Carnaval du Monde, c'est le Carnaval d'Oruro.
Voilà.
Péremptoire.
Limpide.

C'est un truc flamboyant, fort, Oruro.
Ca souffre, ça prie, ça s'exalte, ça sue, ça picole, ça suinte, ça pisse, ça vomit, ça s'enroule, ça se bastonne puis ça s'embrasse, ça danse, putain qu'est ce que ça danse. Brut, des kilomètres et des kilomètres de pélerinage synchrétique et sautillant, jusqu'à s'incliner aux pieds de la Vierge du Socavon, la Vierge des mineurs qui grattent le filon à l'ongle et à la foi, comme à la fin du 19ème siècle.
Ils arrivent, s'inclinent. Transis.
On en voit même certains en "roue arrière" (tiens, comment va Mr Soulard?)

C'est un truc de fou. C'est sans doute, encore, un élément fondamental de pacification sociale dans un pays qui en a bien besoin.
C'est surtout une fête qui ne soutient aucune comparaison.


J'ai justement un collègue brésilien, complètement addict à tout ce qui ressemble de près ou de loin à un phénomène de transes urbaines, de plumes dans le cul et de musiciens mobiles, qui en revient. Je crois qu'il ne s'en remet toujours pas.
Il y a encore peu de temps, le folklore populaire était méprisé par les classes oppulentes de ce pays de féroce ségrégation. Mais peu à peu, les cultures marginales ont commencé à attirer les bouregois de la zone sud, les cloitrés des compounds sécurisés, dans certains quartiers fermés des villes, qui se sont peu à peu mis à danser eux aussi les danses du cholo, de l'indien, du crasseux, de feu-le-gueux, que sont la cueca, la diablada, les caporales, le toba, les morenadas, les tinkus... Le mélange se fait sans heurts.

On me raconta que dans les années d'ajustement structurel d'obédience FMIste, ces maudites années perdues, même l'ancienne élite politique, blanche, ces "De Boers" Andins qui ne reviendront plus, se mêlait tout sourire à ce Carnaval, après l'avoir tant méprisé.

Déjà, dans notre royaume de France, le plus grand plaisir des princes était de se mêler au populaire. Henri III courait les rues de Paris, costumé en Pantalon vénitien et s'amusait fort à battre les passants et à jeter dans la boue les chaperons des femmes. On ne s'en étonnait guère; c'étaient les moeurs du temps.
Les vieilles femmes osaient à peine quitter leurs maisons de peur des "attrapes" du mardi gras. On plaquait sur leurs manteaux noirs des empreintes de craie figurant
des rats et des souris, on attachait à leurs robes des torchons sales.
Nous ne parlerons des obscénités étalées en public, et des facéties grasses, que pour rappeler qu'elles étaient un des traits les plus caractéristiques des saturnales. Les théâtres ont conservé longtemps la tradition de jouer les pièces les plus licencieuses dans les derniers jours du carnaval. Coquinneries, aqui, alla.
A Oruro, on ne pense pas à tout ça. On comprend quelques morceaux, bien plus tard.
A Oruro, on ne sent plus cette chappe de plomb raciale qui est tout de même à vif dans le pays depuis 2000. On ne pense plus, enfin, à tout celà. On se reconnecte avec les entrailles de la terre et de la poussière. On les transfigure. On fait jaillir la couleur.

On m'a parlé d'un blogue de voyage en Bolivie: ils en causent bien. Ils sont mignons ces belges. Presque cursis, mais mignons.

J'aime le Carnaval d'Oruro, aussi, parce qu'il reflète la Bolivie. Avec ses grandeurs, ses immenses éclats de brio, son panache carnassier, sa trajectoire culturelle millénaire, sa capacité de résistance aux plus grandes des tragédies, personnelles comme collectives, toujours si intimement liées là bas.
Je l'aime pour ses tripes.

Par contraste, le show de Rio, sa rigueur disciplinée, l'extrême ajustement de ses mouvements, la coordination appliquée de ses participants/compétiteurs...
Rio, c'est la compét. Entre différentes écoles de samba. C'en serait limite chiant, à bailler.


Allez, cap sur Oruro.