mardi 16 juin 2009

Adolescente





"L'adolescent ignore les futures transformations de ce visage qu'il voit dans l'eau:
indéchiffrable à première vue, comme une pierre sacrée couverte d'incisions et de signes;
le masque du vieillard est l'histoire de ces traits informes qui apparurent confusément un jour,
au grand étonnement du regard qui les révélait."
Octavio PAZ


Elle, c'est Juana. Quel âge aura-t-elle aujourd'hui? Combien d'enfants a-t-elle eu? Est-elle partie de la communauté, elle aussi, à son tou, pour s'installer, précaire, en ville?

Voila ce que j'en disais au tout début de ce blog...

Elle s'appelle Juana, elle a 13 ans.
Elle ne parle pas complètement l'espagnol, mais le comprend bien.
Elle vit dans une communauté Quechua particulièrement isolée de Bolivie, accessible par 4x4 en 11 heures de piste chaotique depuis la principale ville de la région, Cochabamba. 11 heures, 4 étages écologiques distincts, des précipices infinis, des anciennes haciendas dont les parcelles récupérées au long de l'histoire (surtout depuis la réforme agraire de 1952) révèlent une rude économie de subsistance...
Cette communauté, pour aussi isolée et inaccessible qu'elle soit, est pourtant un espace à la fois clôt (rites d'introduction, rites internes de passage-d'un âge à l'autre, d'un statut à l'autre, méfiance inititiale envers l'intrus, pratiques traditionnelles -justice, culture- séparées de la vie "républicaine") et ouvert (multi-ethnicité pacifique entre métis, quechuas majoritaires et aymaras, sens indescriptible de l'hopitalité, adaptation pragmatique à la réalité "moderne-urbaine" lors des migrations temporaires, curiosité envers l'autre, une fois la confiance installée-même fragile).
Ce jour était un jour de fête et de célébration. J'y fus invité, en compagnie des 2 sympathiques barbus franchutes, compagnons de route de ces jours-ci. Nous avons pu apprécier les chorégraphies des mamans de la communauté, que l'on voit s'affairer derrière Juana. Les danses, les chants, les discours à la Patria grande et les hommages à la Pachamama. Les rituels catholiques et les quechuas.
Soit le synchrétisme, brut, dans ta face.
Son lama-llamita, à Juana, né récemment, elle en prend bien ,soin car la portée antérieure n'a pas survécu au-dela de quelques jours.
Regardez-le. Il est terrorisé par ce stupide white man qui le fixe de son oeil digitalisé.
Elle rit aux éclats.
La communauté a fini la soirée bien bourrée. Bien soudée, aussi.

Aucun commentaire: