samedi 8 décembre 2007

La Vieille Peau de Lima


Pérou



Une bonne paire de claques

« TOUTE RESSEMBLANCE AVEC…gna gna…PUREMENT FORTUITE »


C’est comme si la terre était trop belle pour en rester là.

Au 9ème jour, elle s'est donc imposée à elle même, en guise de châtiment suprême, toute une catégorie d’êtres particulièrement déplaisants.

Notamment.
Des moralistes.
Des cul-bénis.
Des chismosos.
Des uribistas.
Entre autres.

Et de sacrés vieilles peaux.

Lima, novembre 2007, je me souviens…

Hôtel mi-classieux, mi-prétentieux, seul disposé à me recevoir à cette heure indue (3H30 du matin tout de même…Ô Joies des connections aériennes entre Quito, Bogota et Lima).

7H12. Couloirs moquettés, trop chargés. Salon inférieur, trop décoré. Buffet du petit déjeuner, trop lourd.

Bref, la nuit fut bien trop courte. Tout est trop. Tout semble à peu près hostile dans ces premières minutes de réveil.

Le temps de prendre son petit café magique, et la beauté du monde palpite à nouveau.
Je suis à ma table, déjà absorbé par la journée décisive qui viendra.
Je tâche de me concentrer, histoire d’être fin prêt pour ces entretiens en série. Le ventre noué, ailleurs, je ne prête pas attention à la table d’en face.

Elle devint pourtant vite incontournable. Le timbre de voix suraigu de cette vieille bique, d’à peu près 65 années, avec cet accent docte et arrogant qui sied aux gens de la Porte d’Auteuil, ne peut que m’arracher à mes divagations. Surtout, le débit d’ignominies déblatéré est tellement « hors catégorie », tellement « top niveau », qu’il devient impossible à éviter.

En face d’elle (appelons la Madame), un quarantenaire à l’allure de prof d’EPS, du genre toujours frais, toujours insupportablement « cool-sympatoche-qu’a le peps », avenant mais que l’on sent prudent, aux lunettes Afflelou Plateada dernier modèle.

Apparemment, c’est le Pilote d’avion privé qui emmènera Monsieur faire son inspection de rigueur dans la partie amazonienne du pays.
Monsieur a lui aussi la soixantaine bien sonnée. Il semble soucieux des détails logistiques pour arriver jusqu’à l’exploitation.
La Mine a des soucis, la sienne en est d’ailleurs le fidèle reflet.

Il est temps d’aller aboyer et d’y faire une bonne inspection-surprise à tous ces fainéants de péruviens. Cette perspective semble l’angoisser tout autant qu’il semble en tirer une fiévreuse et bien suspecte excitation.

La vieille salope en chef ouvre le feu en déclamant que « depuis qu’elle est partie du Pérou, en 2002, avec Monsieur, elle se refuse CA TE GO RI QUE MENT à parler espagnol ».
« Toute autre langue d’ailleurs. Mais particulièrement l’espagnol. Cette langue ne possède pas de sens de la nuance, pas de finesse, d’élégance. C’est une langue simpliste. L’anglais aussi est assez ennuyeux. Mais l’espagnol est pire encore. Je m’y refuse complètement. Les réponses sont toujours trop courtes, trop simples.
Je ne parle que français avec des étrangers désormais. Ou plus du tout. Juste le nécessaire.
Vous vous rendez compte ? Il me faut arriver à mon âge, avoir vécu dans tous ces pays pour en arriver à cette conclusion : le français est une langue incomparable. Unique. Et puis universelle, elle couvre tout. L’espagnol, c’est …fade ».

« Elle couvre tout… ».

Devant tant de connerie confondante, le pauvre pilote, qui a pourtant du en voir d’autres, ne se laisse pas exaspérer et tente tout de même d’évoquer Vargas Llosa ou Cervantes qui ont su exprimer beaucoup dans cette langue, quand même, un peu…Certes les chauffeurs de taxi et domestiques n’ont pas le capital culturel de ceux-ci mais ils…

Mais non.
Evidemment, elle n’imagine pas un instant la biquette que c’est bien son espagnol et son comportement de colon Belle Epoque bien à elle, qui pue la merde à plein nez, que c’est elle et ses yeux méprisants, tout le package, qui ne lui permet par d’accéder à une meilleure communication avec les autochtones à poil comme à vapeur.

Mais non. Non, les gens ne lui parlent pas, ou a minima, parce que « leur langue à eux est limité ». Voila tout.

Evidemment, elle n’allait pas en rester là.

Après quelques râleries somme toutes assez traditionnelles pour une table de visiteurs français, ici portée à son paroxysme, portant sur le service, la rouerie des pauvres gens, la docilité relative de certaines bonniches (notamment les « cama adentro », c'est-à-dire des domestiques vivant 24-24 jusqu’au samedi soir chez Madame), le sous-développement, la discussion vire sur le Paraguay.
Son souci principal, c’est de savoir, texto : « Il ont quelle race là bas ? «
Pilote répond par un détour culturel…habile l’animal. Un régal de bonne volonté.
Oui, mais, quelle race ?

Ce que je sais du Paraguay, c’est que le Paraguay est pédé. Rappelles-toi.

Le Pilote évoque que la langue guarani est devenue langue nationale, et que même les blancs la parlent au quotidien, avec l’espagnol, bien que ce soit une langue indienne. Ce qui est original en Amérique latine. Et ce Looping là parle du métissage du pays.

N’en pouvant mais, Vieille Peau commence alors une tirade sur les Missions d’évangélisation, notamment jésuitiques, qui ont sauvé l’existence même de ce pays. Enchaîne sur ce qu’elle croit savoir de la misère crasse de ses gens. Et lâche cet énorme bombe d’audace grotesque à fragmentation : « ah oui, mais de toute façon, il ne fonctionnera jamais ce pays. Trop de métissages. Et on le sait bien, c’est pas bon le métissage pour un pays. Il n’y a qu’à voir en France ou ça nous mène hein… »
Alors là, oui, deux claques dans la gueule, j’y ai songé, oui. Me lever, et la faire taire cette vieille pute. Lui enfoncer jusqu’au gosier son putain de croissant au beurre. Ou lui fracasser sa jarre de jus d’orange sur la gueule. Quelque chose de violent, là, fantasmé, mis en image, oui.
Avec du sang qui gicle et m’enivre, un bon pugilat hardcore. Tout en déboitant la mâchoire de monsieur avec un rétro-kick axial in your face façon Shawn Kemp. Sous les encouragements de Piloto.

Ca vous monte vite au nez, pour le principe, pour tout, pour ma femme même. Elle qui a subi ce type de remarques bien plus souvent que nous, blancs, pouvons l’imaginer dans la pourtant toujours « patrie des droits de l’homme ».
Mais je reste assis.

Mon physique trrrrès anodin, pas vraiment non plus totalement aryen, me permet toujours de passer pour un quelquonque badaud du coin de la rue, dans les capitales d’Amérique latine. Et les français se croient toujours seuls au monde, imaginant que l’autochtone ne parle pas la langue de Molière et de Julien Courbet. Ce qui est parfait pour glaner quelques maximes mythiques chez ce genre de personnages.

Elle poursuit donc, inarrêtable.

Et elle lâche, histoire de m’achever, son petit discours oligarque d’une facture toute classique :
« De toute façon, tant qu’ils voudront pas se mettre à bosser vraiment tous ces pays…qu’ils arrêtent de gémir et de boire jusqu’à plus soif…Fujimori l’avait bien compris ici…ça leur a pas fait de mal un peu d’autorité. Qu’ils se retroussent leurs manches ! Moi j’ai vécu ici, je les connais bien…ils ne pourront pas s’en sortir ces gens en démocratie comme on la connait, jamais ».

Vieille salope.
Je t’ai laissé là, à t’imaginer seule comme la mort, attendre quelques jours dans ton grand hôtel ton tortionnaire de mari.

Tu m’as rappelé au bon souvenir de cette France peureuse de derrière les stores, retranchée derrière ses volets. Cette France d’Orange, de Vitrolles, cette France là , aussi, qui nous fait ce que nous sommes.

La vieille salope de l’année 2007, la Marie France Stirbois des expats, c’est bien toi.

Vielle peau!

6 commentaires:

Unknown a dit…

rien que de lire ton histoire on sent la moutarde nous monter au nez, et puis cette moutarde se transforme en rocoto aspergé de tabasco....et là ça fait très très mal!!

en espérant que son avion se soit cassé la gueule et que le pilote ait eu le temps de prendre le dernier parachute et prendre le temps de lui faire un gros doigt!!!!

Des commentaires comme ça j'en ai entendu des tonnes en Afrique....ils sont partout les connards!!

Anonyme a dit…

La grosse colère est passée ? Des cons et des connes, il y en a partout et ils ne sont pas tous blancs, européens ou américains, vieux et laids.
Ta connasse aurait pu, tu ne le nieras pas, être péruvienne et métisse. Le racisme et la propension à exploiter son prochain sont des vices universellement répandus.
S'agissant des misiones au Paraguay, je ne suis pas sûr de ce que tu veux dire des misiones. Voici un petit lien que je t'invite à suivre http://www.corazones.org/lugares/latino_a/paraguay/reducciones/a_reducciones.htm
Ce fut en effet une oeuvre intéressante et à certains égards admirable.

Quant au métissage, il est une réalité en Amérique latine. il n'est ni bon ni mauvais. Il est. Ce n'est ni un modèle, ni un contre-modèle. Il ne permet pas en effet que les gens s'aiment plus qu'ailleurs, ne réduit pas le racisme.

Et petite parenthèse, je ne vois pas ce que les uribistas viennent faire dans ta tirade !

Anonyme a dit…

Tiens, au fait, pour nuancer un peu ta détestation quelque peu irrationnelle d'Uribe,voici une interview intéressante du maire sortant de Bogota, en gars du peuple, ex-syndicaliste et mec de gauche comme tu les aimes (et comme je ne les déteste pas toujours). Lis, ça vaut le coup.

Anonyme a dit…

Ce serait un peu long à expliquer, mais il n'est pas faux de dire que la langue française est ontologiquement supérieure aux langues espagnoles et anglaises.

Anonyme a dit…

J'ai juste envie de dire : buerk, c'est tout ce que ces gens m'inspirent : un profond dégout

Anonyme a dit…

Une seule question, tu fait du yoga à forte dose, tu as un bouton spécial déconnexion ou tu arrive à te mordre les lèvres sans les bouffer?
Moi sur un cas comme ça, je lui fais bouffer la table et son mari avec avant de la jeter du dernier étage de l'hôtel.