vendredi 10 juillet 2009

Aristophane de






"Sur le plus grand des fragments, je lus ces phrases ou je reconnus le dialogue du Banquet, dans lequel Aristophane expose sa conception de l’amour :
« Quand donc un homme, qu’il soit porté sur les garçons ou sur les femmes, rencontre celui là même qui est sa moitié, c’est un prodige que les transports de tendresse, de confiance et d’amour dont ils sont saisis ; ils ne voudraient plus se séparer, ne fût-ce qu’un instant. Et voila les gens qui passent toute leur vie ensemble, sans pouvoir d’ailleurs dire ce qu’ils attendent l’un de l’autre ; car il ne semble pas que ce soit uniquement le plaisir des sens qui leur fasse trouver tant de charme dans la compagnie de l’autre. Il est évident que leur âme à tous deux désire autre chose, qu’elle ne peut dire, mais qu’elle devine, et laisse deviner. »

Je me souvenais parfaitement de la suite : Héphaïstos le forgeron apparaissant aux deux mortels « pendant qu’ils sont couchés ensemble », leur proposant de les fondre et de les souder ensemble « de sorte que de deux ils ne fassent plus qu’un, et qu’après leur mort, là-bas, chez Hadès, ils ne soient plus deux, mais un, étant morts d’une commune mort".

Je me souvenais surtout des dernières phrases :
"Et la raison en est que notre ancienne nature était telle que nous formions un tout complet. C’est le désir et la poursuite de ce tout qui s’appelle amour".

C’est ce livre qui avait intoxiqué l’humanité occidentale, puis l’humanité dans son ensemble, qui lui avait inspiré le dégoût de sa condition d’animal rationnel, qui avait introduit en elle un rêve dont elle avait mis plus de deux millénaires à essayer de se défaire, sans jamais à y parvenir totalement.
Le christianisme lui-même, saint Paul lui-même, n’avaient pu que s’incliner devant cette force. « Les deux deviendront une seule chair ; ce mystère est grand, je l’affirme, par rapport au Christ et à l’Eglise ».
Jusque dans les derniers récits de vie humaine, on en retrouve la nostalgie inguérissable."


Houellebecq, La possibilité d'une île

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