samedi 27 décembre 2008

Jusqu'à quand (Eduardo Galeano)

Les crimes d'Etat d'Israël vus pas Eduardo Galeano.
Merry christmas les Palestiniens!

Liban : Jusqu’à quand ? par Eduardo Galeano - La Jiribilla.
La Jiribilla, 29 juillet 2006.


Un pays bombarde deux autres pays. L’impunité pourrait paraître stupéfiante si elle n’était pas habituelle. Quelques timides protestations parlent d’erreurs. Jusqu’à quand continuera-t-on à appeler les horreurs des erreurs ?

Cette boucherie de civils s’est déchaînée à partir de l’enlèvement d’un soldat. Jusqu’à quand l’enlèvement d’un soldat israélien pourra-t-il justifier la négation de la souveraineté palestinienne ? Jusqu’à quand l’enlèvement de deux soldats israéliens pourra-t-il justifier la séquestration du Liban tout entier ?

La chasse aux juifs fut durant des siècles le sport favori des européens. Auschwitz fut le terme d’un antique fleuve qui avait charrié bien des épouvantes à travers toute l’Europe. Jusqu’à quand les palestiniens et d’autres arabes continueront-ils de payer pour les crimes qu’ils n’ont pas commis ?

Le Hezbollah n’existait pas lorsqu’Israël ravagea le Liban lors de ses invasions antérieures. Jusquà quand continuerons-nous de croire au conte de l’agresseur agressé, qui pratique le terrorisme car il a le droit de se défendre du terrorisme ?

L’Irak, l’Afghanistan, la Palestine, le Liban. Jusqu’à quand pourra-t-on continuer d’anéantir impunément des pays ?

Les tortures d’Abu Ghraïb, qui ont réveillé un certain malaise universel, n’ont rien de nouveau pour nous latino-américains. Nos militaires ont appris ces techniques d’interrogatoires à l’Ecole des Amériques, dont le nom a changé mais pas les pratiques. Jusqu’à quand continuerons-nous d’accepter que la torture soit considérée comme légitime, comme c’est le cas en Israël, au nom de la légitime défense de la patrie ?

Israël a fait la sourde oreille à quarante-six recommandations de l’Assemblée Générale et d’autres organismes des Nations Unies. Jusqu’à quand le gouvernement israélien continuera-t-il d’exercer le privilège de la surdité ?

Les Nations-Unies recommandent mais elles ne décident pas. Lorsqu’elles décident, la Maison Blanche les en empêche, car elle exerce son droit de veto. La Maison Blanche a utilisé son droit de veto, au Conseil de Sécurité, contre quarante résolutions condamnant Israël. Jusqu’à quand les Nations-Unies continueront-elles d’agir comme si elles étaient le prête-nom des Etats-Unis ?

Depuis que les Palestiniens ont été délogés de leurs maisons et dépouillés de leurs terres, beaucoup de sang a coulé. Jusqu’à quand le sang continuera-t-il de couler pour que la force justifie ce que le droit refuse ?

L’histoire se répète, jour après jour, année après année, et pour un israélien mort, ce sont dix arabes qui sont tués. Jusqu’à quand la vie de chaque israélien continuera-t-elle d’avoir dix fois plus de valeur que celle des autres ?

Relativement à leur population, les cinquante mille civils, femmes et enfants pour la plupart, morts en Irak, équivalent à huit-cent mille pour les Etats-Unis. Jusqu’à quand continuerons-nous d’accepter, comme si c’était normal, le massacre d’irakiens, dans une guerre aveugle qui a oublié les motifs pour lesquels elle a été engagée ? Jusqu’à quand continuera-t-il d’être normal que les vivants et les morts soient de première catégorie ou bien de deuxième, de troisième ou quatrième ?

L’Iran développe l’énergie nucléaire. Jusqu’à quand continuerons-nous de croire que cela est suffisant pour prouver qu’un pays est dangereux pour le reste de l’humanité ? La soit-disant communauté internationale ne s’angoisse pas le moins du monde de voir qu’Israël possède deux cent cinquante bombes atomiques, bien que ce pays vive en permanence au bord de la crise de nerfs. Qui détient le pouvoir d’étalonner le danger international ? Est-ce donc l’Iran qui a lancé des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki ?

A l’ère de la globalisation, le droit de pression est plus puissant que le droit d’expression. Pour justifier l’occupation illégale des terres palestiniennes, on donne à la guerre le nom de paix. Les israéliens sont des patriotes et les palestiniens des terroristes, et les terroristes sonnent l’alarme universelle.

Jusqu’à quand les moyens de communication continueront-ils d’être les instruments de la peur ?

Le massacre actuel, qui n’est pas le premier ni ne sera je le crains le dernier, se déroule-t-il donc dans le silence ? Le monde est-il devenu muet ? Jusqu’à quand les voix de l’indignation continueront-elles de clamer dans le désert ?

Ces bombardements tuent des enfants : plus du tiers des victimes, presque la moitié. Ceux qui osent le dénoncer sont accusés d’antisémitisme. Jusqu’à quand continuerons-nous d’être antisémites, nous qui criticons les crimes du terrorisme d’état ? Jusqu’à quand accepterons-nous ce chantage ? Les juifs qui sont horrifiés de ce qui se passe en leur nom sont-ils antisémites ? Les arabes, qui sont autant sémites que les juifs sont-ils antisémites ? N’y aurait-il pas des voix arabes pour défendre la patrie palestinienne et s’opposer à l’asile de fous fondamentaliste ?

Les terroristes se ressemblent : les terroristes d’état, qui sont de respectables responsables gouvernementaux et les terroristes privés, qui sont des fous indépendants ou des fous organisés depuis l’époque de la guerre froide contre le totalitarisme communiste. Et tous agissent au nom de Dieu, qu’il s’appelle Dieu, Allah ou Jéhovah. Jusqu’à quand continuerons-nous d’ignorer que tous les terrorismes méprisent la vie humaine et que tous s’alimentent mutuellement ? N’est-il pas évident que dans cette guerre entre Israël et le Hezbollah, les victimes, ce sont des civils libanais, palestiniens, israéliens ? N’est-il pas évident que les guerres d’Afghanistan et d’Irak et les invasions de Gaza et du Liban ont fait le lit de la haine et du fanatisme ?

Nous sommes la seule espèce animale spécialisée dans l’extermination mutuelle. Nous affectons quotidiennement deux mille cinq cent millions de dollars aux dépenses militaires.

La misère et la guerre sont filles du même père : comme certains dieux cruels, celui-ci dévore les vivants et les morts. Jusqu’à quand continuerons-nous d’accepter que ce monde amoureux de la guerre soit notre unique monde possible ?

Eduardo Galeano



Eduardo Galeano est né à Montevideo, en Uruguay, il y a une soixantaine d’années. Il a fondé et dirigé plusieurs journaux et revues en Amérique latine . En 1973, il s’est exilé en Argentine avant de rejoindre l’Espagne. Il est retourné vivre en Uruguay en 1985.

8 commentaires:

Nathalie Vuillemin a dit…

Galeano... Toujours pertinent, sans détours, capable de produire du moment présent une analyse universelle et valable en permanence.

Anonyme a dit…

Tu oublies coco que galeano est un marxiste. Sa doxa est à la source des plus gigantesques massacres de l'histoire de l'humanité. Alors franchement, ses leçons d'humanisme, tu permettras que je les balance d'hélico, bien accrochées à un rail de fonte...

Sur cette petite provocation hivernale, je te souhaite une bonne année de rédemption intellectuelle. Lis Vargas Llosa plutôt.

Patxi a dit…

ah tiens un revenant des mannes de l'enfer...Phiconvers, le frontiste pétulant.
Galeano a toujours été anti stalinien, ignare. Et je ne sais si l'on puit comme cela, en toute décontraction, imputer victimes des Laogai chinois, Khmerisme aigu et goulags soviétiques à la seule prose du vieux Karl, sans payer le prix d'un fumeux anachronisme ou d'un manque patent de bonne foi.
galeano a des options néo-marxistes sur certains points, mais n'est pas réductible à cela, et heureusement.
en tout cas la description de tes méthodes d'élimination de ces réflexions galeaniennes te va bien, reprenant le petit manuel de l'école général de mécanique de Buenos Aires, tes amis, ta très belle famille politique.
en même temps, l'humour d'extrême droite, c'est pas le pire...
quant à Vargas Llosa, ah ah ah...le sénile évangéliste du tout marché qui vit dans une rue très chic de Lima, sur le littoral, qui porte son nom, à sa demande..ah ah ah.
il n'a plus rien à dire de pertinent.
sa littérature, oui, jusqu'à la fin des années 1970.mais depuis putain..
bonne année 2009 de propagande uribiste, viva la réeleccion! quand je te dis qu'il ressemble bcp à son pendant démago de caracas..

Anonyme a dit…

Franchement, Patchi, tu me déçois. Je n'attendais pas d'un gaucho a priori honnête qu'il défende l'idée que seul le stalinisme a posé problème dans l'histoire du communisme. J'aurais également imaginé que tu t'abstiendrais de porter aux nues un vulgaire chaviste. La substance du texte de cet Uruguayen déviant est par ailleurs assez pathétique de faux angélisme pro-arabe. Dommage, j'espérais que ta relative clairoyance s'étendait jusqu'au Proche-Orient.
Anyway, malgré ta propension un peu "stasiesque" à me coller des étiquettes,je te souhaite une excellente année 2009 depuis mon réduit réactionnaire-qui-rappelle-les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire-hou-hou.

Patxi a dit…

ahah..
stasiesque fait référence à Bernard Stasi j'ose espérer?
Mais justement, blairounet, je parle du laogai chinois et de Polt Pot, lecteur pressé, inattentif, ou pire, que tu es.
vas, je ne te hais point: tu es mon quota de droite catholique-nationaliste classique ici; cette droite qui s'appuyait sur des valeurs chrétiennes, de soumission sociale (distinct de la justice sociale) mais aussi de responsabilité, de charité et de désintéressement. elle a patiquement disparu. en ce sens, tu es digne d'intéret.
aujourd'hui on a la droite du fric, affairiste et vulgaire: les cathos détestent l'argent comme valeur cardinale. Sarko a gagné. Tu as perdu, toi aussi, comme le PCF.
Nettoies ton réduit cette année..fais une touze, un truc de fou, je sais pas...Ca te fera du bien.
Bonne annee à toi Léon.

Patxi a dit…

au fait, le texte de galeano dit:
"les terroristes privés, qui sont des fous indépendants ou des fous organisés depuis l’époque de la guerre froide contre le totalitarisme communiste".donc il n'ya a aucune espèce d'ambiguïté. totalitarisme communiste.
ta ligne droite Marx=goulag me fait penser à cette propagande du syndicat étudiant UNI qui montrait un joint et une flèche rouge vers l'héroïne. remarquables et acérés que ces esprits là en effet..

Anonyme a dit…

Tu n'es pas épargné par une certain orgueil, Patxi. Enfin, il faut croire que je trouve dans ton blog plus de motifs d'intérêt que de lassitude, puisque je continue à y venir, de temps en temps.
Je ne peux que te répéter que Galeano est un faux gentil, un idéologue étroit qui est de la veine de ces "intellectuels" qui ont cautionné les pires dérives totalitaires au nom d'une conception erronée de l'humanité.
Je te suggère une résolution pour 2009 : "je ne mettrai plus d'étiquette sur mes visiteurs pour me simplifier l'existence et pouvoir, par un classement rapide, me conforter dans mes certitudes d'honnête homme convaincu d'être légèrement au-dessus de la moyenne de mes congénères".

Et pour te montrer ma bienveillance, je te fais partager cette jolie phrase d'espérance : "A vous qui dictez aux abeilles le choix des fleurs sucrées, à vous Seigneur je m'abandonne"

Patxi a dit…

MERCI à TOI, ABBE DE St Nico du chardonnet.
ah ah..
saches que chaque jour, je doute, et que c'est très agréable.
ce dont je ne doute pas, c'est que nous ne sommes d'accord que sur peu de choses ici bas.mais tu réfuteras pas l'étiquette "droite traditionnelle" tout de même? old school quand même, sur feu ton blog?
enfin...
la rose et le réséda, celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas...